des patriotes demande l’introduction du jury à la française. Dès 1842, plusieurs comitats avaient déjà adopté les assises de jurés ; enfin, en 1844, la table des états, admettant cette institution, a déclaré les roturiers aptes, comme les nobles, à siéger dans le jury. Mais le gouvernement autrichien résiste de toutes ses forces ; il prétend qu’avant de réclamer le jury, la Hongrie doit posséder un tiers-état riche et libre, qui puisse intervenir avec indépendance dans ces tribunaux, entre la noblesse et le peuple. « Comment, dit le cabinet aulique, lorsque les villes n’ont point encore une organisation régulière, lorsqu’elles obéissent à une juridiction complètement différente de celle des campagnes, lorsque la bourgeoisie a ses droits tout-à-fait en dehors de la constitution hongroise, et vit en quelque sorte étrangère au pays, comment croire possible l’institution du jury ? » Ces objections de l’Autriche soulèvent naturellement la question de l’émancipation des communes, qui est, selon nous, la plus grave de toutes les questions sociales, mais qui semble ne pouvoir être résolue en Hongrie que par une révolution violente.
Les communes hongroises ne jouissent point encore d’un système uniforme. Immédiatement au-dessus du village, dont les habitans sont encore, pour ainsi dire, serfs de la glèbe, il y a la commune, dont les habitans se sont rachetés, et ont par conséquent le droit de nommer leurs propres magistrats, c’est-à-dire leur notaire, leur juge et ses employés. Toutefois, dans la plupart de ces communes affranchies, le seigneur a conservé une ombre de son droit de justice ; il inspecte les magistrats et se fait rendre compte de leur gestion. Il a en outre le droit de veto absolu dans l’élection des employés municipaux. Si la commune persiste à choisir des candidats qui lui déplaisent, la cause est portée à l’assemblée du comitat, qui décide entre les deux parties. La diète a senti qu’avant d’octroyer aux communes libres des droits politiques, il fallait les délivrer de ce dernier débris de juridiction seigneuriale, qui pèse au seigneur autant qu’au paysan. Si en effet les paysans doivent subir trop souvent encore les caprices du magnat, le seigneur trouve dans l’obligation de diriger la justice locale une charge onéreuse. Aussi, pour se soustraire aux frais que cette police entraîne, beaucoup de propriétaires laissent-ils vacantes les places de juges dans ceux de leurs villages qui se sont rachetés, et qui par conséquent ne donnent plus aux anciens seigneurs aucun revenu. De là vient que dans tant de communes il y a pour ainsi dire absence complète de justice. On conçoit qu’à peine sorties du servage, ces communes libres n’aient pas eu jusqu’ici voix délibérative dans les diétines