Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

majorité par la table des états, un hourra général partit de toutes les galeries, et, les larmes aux yeux, un vieillard, le député de Borsody, fit cette remarque : « Nous avons aujourd’hui le trois cent dix-huitième anniversaire de la bataille de Mohacs, et depuis ce jour lugubre où l’étranger précipita notre patrie toute vivante dans la tombe, nous n’avions pas encore fait un pas aussi décisif pour la tirer de son linceul. » Ce cri de triomphe provoqua le sourire ironique des journaux du gouvernement, qui firent observer que, mutilées à dessein par la volonté royale, les réformes dont s’applaudissait la Hongrie perdaient presque toute leur importance. En effet, la loi même qui déclare les roturiers éligibles à toutes les dignités paraît vraiment un non sens, tant que les congrégations électorales, qui seules peuvent conférer la plupart de ces dignités, seront exclusivement composées de gentilshommes. Un corps électoral nobiliaire ne continuera-t-il pas, sauf quelques rares exceptions, d’élire pour ses représentans des individus tirés de son sein ? Enfin, n’est-il pas à craindre que cette loi ne profite beaucoup moins à la nation qu’à la royauté ? Elle permet en effet au roi de nommer désormais des vice-gespans roturiers, qui, chose étrange, présideront au nom du souverain des congrégations où, comme roturiers, ils n’auront pas même le droit de voter. Cette organisation, restée si incomplète, trahit assez les secrètes pensées du cabinet autrichien. La diète avait voté un système entier de réforme électorale qui accorde même aux simples communes rurales le droit de siéger dans les congrégations ; ce système, admis par les deux tables, a été répudié par la cour de Vienne. C’est ainsi qu’elle encourage le mouvement réformateur en Hongrie.

On le voit, quoi qu’en disent les journaux autrichiens, la noblesse hongroise est animée des intentions les plus libérales. Il n’est pas, on peut le dire, une seule question de réforme que la diète ne discute et n’envisage d’un œil résolu. Aussi l’Autriche, qui depuis quelques années cachait si habilement ses continuelles défaites, et se relevait incessamment d’une nouvelle chute par une nouvelle concession, semble-t-elle avoir épuisé ses moyens de séduction. Il s’agit enfin pour elle ou de réagir tyranniquement, ou de se livrer, pour ainsi dire, les poings liés à la discrétion nationale. Ce dernier parti, le seul qui aurait des chances de succès, n’a jamais souri au cabinet impérial. De là vient que les feuilles officielles sont remplies d’anathèmes contre la dernière diète et de menaces contre la diète prochaine. Ces éclats de colère que l’Autriche ne sait plus cacher ne prouvent qu’une chose : c’est que la nationalité hongroise fait des progrès rapides ; seulement il est un