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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/664

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écueil redoutable contre lequel cette société renaissante doit craindre de se heurter. Cet écueil, c’est la lutte des races, c’est la discorde intérieure. D’où vient qu’une partie considérable de la population du royaume regarde avec indifférence les conquêtes morales de la diète ? D’où vient qu’un long cri insultant part des comitats slaves contre les comitats maghyars ? Le Maghyar, dit-on, veut accaparer pour lui seul la moisson qu’il a semée avec l’aide d’autres peuples, et que tous ont travaillé en commun depuis mille ans à faire mûrir ; il prétend sans coup férir s’approprier exclusivement les fruits de la paix, comme si les Slaves n’avaient pas prodigué leur sang avec autant d’intrépidité que les Maghyars dans les guerres contre les Mongols, les Tatars et les Turcs, guerres terribles, auxquelles la Hongrie doit sa tranquillité présente. Heureusement il n’est pas encore bien prouvé que les Maghyars veuillent réellement maghyariser toutes les populations qui leur sont annexées. Ils admettent déjà en partie, et ils seront forcés d’admettre bientôt complètement le principe fédéral. Qu’ont-ils demandé jusqu’ici ? Une langue officielle, une langue politique, qui facilite les communications entre les divers états de l’union hongroise. Ce but, ils viennent de l’atteindre, et c’est leur idiome qui a prévalu. Ils doivent maintenant être satisfaits ; un pas de plus dans cette route pourrait les perdre.


II. – DES TENDANCES NOUVELLES DE L'ILLYRIE

Nous avons vu le mouvement maghyar se poursuivre et s’affermir en dépit de mille obstacles, grace à l’énergie de la diète et au patriotisme de la noblesse. Nous avons regretté que la lutte de deux races vînt ajouter de nouvelles complications à celles qui pèsent sur la société hongroise. Les Maghyars ont déjà assez irrité les Slaves, dont la nationalité est aussi en progrès, et qui pouvaient prétendre à dominer un jour leurs rivaux. Si les Slaves doivent désormais renoncer à cette espérance, il ne s’ensuit nullement que ce sacrifice puisse entraîner la ruine de leur nationalité. On pourra leur imposer la langue maghyare quand ils parleront à la diète générale du royaume ; mais dans leurs diétines particulières ils resteront toujours Slaves. La noblesse maghyare est à la fois trop éclairée et trop généreuse pour se permettre ces violences barbares qui ont signalé la germanisation des Vendes et des Sorabes par les Allemands du moyen-âge, ou les atrocités que commet aujourd’hui le tsar pour détruire la nationalité polonaise. Les excès que l’on reproche aux Maghyars ne sont que l’œuvre