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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/665

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d’intrigans subalternes, qui cherchent à se grandir en flattant les mauvaises passions de leurs compatriotes. Pour justifier ses violences, le parti maghyaromane s’est efforcé d’accréditer des accusations absurdes contre les Slaves, qui, à en croire leurs ennemis, seraient dévoués à la Russie et prêts à se déclarer ses sujets. Les Slaves, partout où ils ont agi librement, ont assez prouvé leur antipathie contre le régime russe pour que, là où ils sont asservis, on ne puisse sans injustice les accuser de sympathie pour le tsarisme. Il serait plus habile de les aider d’abord à développer leur nationalité ; on verrait alors quel accueil ils feraient aux agens moscovites. Mais les Maghyars trouvent plus glorieux de s’attribuer à eux seuls le privilège de lutter contre la Russie dans l’orient de l’Europe. De là l’approbation tacite qu’ils donnent aux calomnies de leurs journaux contre les Slaves de Hongrie ; de là toutes leurs démonstrations en faveur de la Pologne, leurs offres de service militaire et leurs adresses pressantes à l’empereur d’Autriche pour qu’on mette enfin un terme aux envahissemens de la Russie.

Les maghyaromanes avouent, du reste, eux-mêmes l’infériorité relative de leur race sous plus d’un rapport : le Maghyar est pâtre et guerrier, politique et dominateur ; mais il ne comprend rien à l’industrie, qu’il abandonne tout entière aux Slovaques. Il en est de même pour les arts, la musique exceptée. Nous remédions à cela, disent les magnats, en envoyant les plus distingués de nos sujets slovaques étudier en Italie. Mais des artistes slovaques, envoyés par de riches Maghyars au-delà des Alpes, peuvent-ils jamais devenir des artistes maghyars ? Heureusement cette prétention se traduit en bienfaits qui porteront leurs fruits. Ceux des Slaves qui devront aux Maghyars leur éducation pourront un jour remplir une mission conciliatrice entre les deux races rivales. La haine qui les sépare ne peut d’ailleurs long-temps subsister. Les chefs qui dirigent les deux camps sont trop éclairés pour ne pas voir qu’en continuant de s’attaquer, ils amèneraient la ruine commune.

Quant aux Allemands qui se préoccupent beaucoup de la question maghyare, et qui se disent aussi opprimés en Hongrie, nous avouons ne rien comprendre à cette oppression des maîtres par les sujets. Il nous semble que les Allemands n’ont, comme peuple, aucun rôle à jouer en Hongrie ; il faut qu’ils s’y fassent Slaves ou Maghyars, s’ils veulent y devenir citoyens. Ils sont aux autres habitans du royaume tout au plus comme un à quinze. S’ils devaient former dans ce pays une nationalité, ils auraient tout autant de droit à en former une aussi