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principalement au peuple des campagnes ; elle prétend se borner strictement à l’examen des intérêts indigènes, en les rattachant toutefois aux intérêts généraux de l’Illyrie.

Unie à la Hongrie par des liens qui paraissent devoir être éternels, la nationalité illyrienne n’est pas moins fortement rattachée à la Turquie par les plus orientales d’entre ses provinces, telles que la Bosnie et la Serbie. La principauté serbe est le seul des anciens royaumes illyriens qui forme en ce moment un état à peu près indépendant. Vaincu, mais jamais dompté par les Turcs, le peuple serbe s’était insurgé dès l’année 1800. Il a fait sa révolution constitutionnelle en 1835 et 39, avant la Grèce elle-même, révolution imparfaite il est vrai, mais pourtant glorieuse ; et la Serbie, depuis qu’elle est régie par une charte, n’a pas cessé un moment de marcher dans la voie du progrès. Cette race de pâtres, qui, il y a dix ans, vivait encore sans écoles, sans loi écrites, sans industrie, a maintenant des recueils scientifiques et littéraires, des journaux politiques, une académie à Belgrad ; enfin, en 1844, elle a publié son code, où les législateurs ont eu pour but principal de concilier les anciennes traditions judiciaires du pays avec les besoins de l’époque et les règles du droit français.

Le cabinet moscovite avait espéré pouvoir maintenir en exil les deux chefs de la révolution anti-russe qui a placé sur le trône le prince Alexandre ; mais il a fallu céder aux demandes réitérées et aux démonstrations de plus en plus inquiétantes du peuple serbe. La Russie a donc permis au sultan, de laisser reparaître en Serbie les deux agitateurs. Voutchitj et Petronievitj sont rentrés dans leur pays sous des arcs-de-triomphe. Le retour de ces deux hommes renforce sur le Danube le parti hostile à la Russie, et fait espérer que l’état de choses actuel jettera des racines de plus en plus profondes. Parmi les mesures récentes dues à l’énergie de Voutchitj, il faut citer celle qui interdit désormais toute fonction publique aux étrangers. Cette mesure pourra paraître inhospitalière, et rappeler jusqu’à un certain point la loi du congrès grec sur l’autochtonisme ; elle est cependant indispensable pour garantir à la Serbie le développement paisible de sa nationalité. Jusqu’à ce jour, la plupart de ses fonctionnaires étaient sujets de l’Autriche, c’est-à-dire d’une puissance essentiellement hostile à l’émancipation politique des Slaves. A l’aide de ces employés élevés par elle et la plupart très corrompus, l’Autriche maintenait depuis trente ans son influence sur la principauté, et tâchait d’y entretenir la discorde en y soutenant les rares partisans du cruel Miloch et de la dynastie déchue. Pour délivrer leur pays de ce fléau, le prince et le sénat