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de la Serbie ont enfin décrété que tous les sujets d’une puissance étrangère investis d’un emploi dans la principauté devraient, dans un court délai, donner leur démission ou renoncer à leur première patrie pour recevoir l’indigénat. Cette mesure est le dernier pas fait par les Serbes vers l’affermissement de leur nationalité.

On peut dire sans aucune exagération que l’attitude plus fière qu’a prise le divan depuis deux ans vis-à-vis du nord est due en partie à l’entente fraternelle où il vit en ce moment avec les Serbes. Se sentant ainsi appuyés sur le Danube par une nation amie, convaincus que cette nation ne prêterait plus comme autrefois son appui à une tentative d’invasion dans les Balkans, les Turcs peuvent présenter avec plus de hardiesse le front à leurs ennemis. Malheureusement il n’en est pas de même pour les principautés moldo-valaques. A Bukarest et à Iassy, toute vie politique semble près d’expirer sous la pression russe. Toutefois, les boïards résistent autant que le leur permet leur désorganisation morale, et beaucoup d’entre eux aspirent à se coaliser avec les Serbes pour relever leur pays de cet état d’humiliante prostration. Ne pouvant réagir au dehors, ils tachent au moins de réaliser des améliorations intérieures, en accordant aux bourgeois et aux paysans des privilèges qui rendent moins précaire la position de ces classes, jusqu’ici indignement opprimées par la noblesse. On ne se contente pas d’adoucir le sort des paysans indigènes ; la sollicitude nationale s’est étendue en Valachie jusque sur les Tsiganes, qui ont été appelés à jouir des mêmes droits que les autres paysans. Entraînée par l’exemple des états valaques, la diète moldave a aboli dernièrement l’esclavage des Tsiganes et a assigné sur le budget un fonds spécial pour racheter ceux d’entre ces infortunés qui sont la propriété particulière des seigneurs. Tels sont les derniers progrès accomplis par les différens peuples de la Grande-Illyrie.

Nous ne prétendrons pas ajouter comme preuve du développement des nations gréco-slaves leur essor industriel et les immenses travaux de chemins de fer entrepris dans les provinces tchèques, illyriennes et polonaises. Ces travaux néanmoins ne tourneront-ils pas tôt ou tard au profit des peuples asservis ? Comment supposer, par exemple, que le railway de Vienne à Trieste ne verse pas aux Slaves dont il traversera les provinces une nouvelle vie ? Ce railway ne fonctionne encore que jusqu’à Grats, et déjà la Styrie se remplit d’une activité jusqu’à ce jour inconnue. Trieste est, dira-t-on, le seul débouché de l’Allemagne sur la Méditerranée ; comment supposer que jamais l’Allemagne laisse envahir cette place par une influence étrangère, surtout lorsque les