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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/669

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progrès industriels de la Hongrie auront enlevé le Danube et la mer Noire au monopole allemand ? Plutôt que de laisser couper ses communications avec Trieste, le cabinet de Vienne ne préférera-t-il pas appeler à son secours l’Allemagne entière ? Nous répondrons qu’il est peu probable que la guerre s’engage pour cette cause. Le cabinet aulique, avec son esprit de longanimité, se résignera à partager à l’amiable avec les Slaves ce qu’il ne pourra leur arracher, et dans l’impossibilité d’expulser les Illyriens de l’Illyrie, il accordera à ceux des peuples non allemands qui occupent les contrées situées entre Trieste et Vienne des franchises nationales capables de les satisfaire.

Étouffée il y a quelques mois, la conjuration triestine des frères Bandiera a dû prouver à l’Autriche que les révolutionnaires italiens ont enfin étendu leur propagande, et que l’Italie ne veut plus agir seule, mais de concert avec tous ses voisins orientaux. On s’est trompé en ne voyant dans cette conspiration qu’une tentative italienne : les trois races qui dominent l’Adriatique, les Italiens, les Illyriens et les Grecs, y avaient également pris part, et les barbares d’Albanie avaient été, comme on l’a découvert depuis, attirés eux-mêmes dans le complot. Les patriotes de Trieste, capitale de l’Illyrie, ne peuvent obéir à une tendance purement italienne. Depuis Napoléon, les destinées de la péninsule italique sont devenues inséparables de celles des Slaves illyriens. Les uns ne triompheront pas sans les autres. Ceux qui verraient dans l’état arriéré des provinces illyriennes un obstacle à leur coalition passagère avec l’Italie ne réfléchissent pas que ces provinces ont l’énergie guerrière qui manque aux Italiens, et que la rudesse même de leurs habitans les rend merveilleusement aptes à défendre les avant-postes dans une guerre d’indépendance. De plus, communiquant sans cesse avec les deux royaumes constitutionnels de Grèce et de Hongrie, les Illyriens du sud se sentent de toutes parts provoqués à la lutte, et les têtes ardentes de ce pays sont entraînées à des complots que l’on pourra bien étouffer dans le sang une fois, dix fois peut-être, mais auxquels il faudra nécessairement céder un jour.

En présence de ces nationalités qui renaissent, de ces peuples qui s’agitent, nous avons déjà montré quelle est l’attitude de l’Autriche. Son inertie, son indécision, forment un étrange contraste avec la fermentation profonde de la Hongrie, de la Pologne, de la Bohême, de l’Illyrie. Le gouvernement impérial, constamment absorbé par de mesquines intrigues, partagé entre les prétentions diverses qui se disputent ses bonnes graces, laisse tous les intérêts également en souffrance. On trouverait difficilement à cette heure, dans toute l’Europe,