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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/671

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Cependant, afin de mieux constater encore la victoire du pays, le congrès, en 1844, rédigea lui-même la constitution, sans donner à la couronne aucune part dans ses travaux. Othon proposa un certain nombre d’amendemens qui furent rejetés pour la plupart. La charte ainsi faite sans son concours n’en fut pas moins acceptée et jurée par le monarque, qui, en rendant ce noble et éclatant hommage à la souveraineté nationale, se montra vraiment digne d’être adopté par la Grèce.

Les Hellènes venaient de se délivrer de l’oppression bavaroise ; il s’agissait pour eux de se constituer dans un état social qui rendît à jamais impossible sur leur sol le retour d’une domination étrangère. Pour cela, il fallait donner à la race, au sang, au génie helléniques, de telles garanties de prépondérance dans le royaume, que l’étranger y fût toujours en état d’infériorité. L’exagération de ce principe a produit le système appelé l'autochtonisme. Une des clauses de la charte décide que les seuls autochtones (Grecs nés dans le royaume) sont admissibles aux fonctions publiques, que tout étranger, quel qu’il soit, sans excepter même les Grecs de la Turquie, demeure exclu des emplois. Le droit électoral n’est accordé aux réfugiés grecs qu’à la condition de se faire inscrire dans une commune du royaume ; quant à l’éligibilité, ils ne peuvent y prétendre, habitassent-ils l’Hellade depuis six ans, à moins qu’ils n’aient servi comme soldats ou comme citoyens dans la lutte nationale de 1820 à 1829. Par cette loi, les derniers réfugiés de Crète, de Thessalie et de Macédoine, qui avaient fait à la patrie de si grands sacrifices, se trouvèrent impitoyablement exclus de leurs droits naturels. Aussi vit-on ces infortunés, durant les réjouissances qui eurent lieu pour l’inauguration de la charte, traverser d’un air lugubre la foule joyeuse et les chœurs des danses nationales, pour aller planter au pied des colonnes de Jupiter, parmi les bannières enrubannées des autres éparchies, les drapeaux noirs de leurs provinces, revêtus d’emblèmes de mort.

La mesure qui avait exclu ces nobles victimes est vraiment trop inhospitalière, trop dure, pour qu’on puisse y voir autre chose qu’une disposition transitoire. Le peuple, si long-temps exploité, veut que désormais aucun étranger ne puisse devenir citoyen avant d’avoir donné de fortes garanties de sa conversion sincère à l’hellénisme : c’est là un vœu légitime ; mais ce qui ne l’est plus, c’est d’assimiler à l’étranger tout étérochtone ou Grec né hors de la Grèce. Pour expliquer dette loi cruelle chez un peuple que sa modération et son humanité distinguèrent dans tous les temps, il ne suffirait pas d’y voir le fruit amer des défiances causées par l’occupation bavaroise ; nous lui assignerons