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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/672

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une cause plus profonde. Indifférens pour leur pays, tant qu’il languissait dans les chaînes, les riches marchands grecs des échelles d’Orient émigrent maintenant en foule à Athènes pour y réclamer leur part des honneurs du combat, dont ils n’ont pas couru les chances. Comme ces étérochtones arrivent avec de l’or, ils sont mieux vus de la cour et des ministres que les autochtones appauvris par de longues guerres. De là l’irritation des indigènes.

Cette irritation est surtout dirigée contre les soi-disant princes du Fanar, dont l’invasion corruptrice menace réellement la moralité de la Grèce. Pour bien comprendre la furie d’autochtonisme qui anime les hellènes, il faut voir les Fanariotes à l’œuvre en Moldo-Valachie et sur le Bosphore. Ces hommes à double visage, qui viennent faire de la démocratie à Athènes, sont sur le Danube des propriétaires d’esclaves plus impitoyables que les planteurs d’Amérique. A Constantinople, leur incurable servilité auprès du divan et des légations européennes, leur besoin de tromper alternativement les uns au profit des autres, empêchent toute harmonie entre les puissances dans les affaires d’Orient. C’est le Fanar qui prolonge l’asservissement de la majorité des Grecs par sa complicité avec le divan. Combien, par exemple, le Talleyrand grec, le prince de Samos, n’a-t-il pas étouffé à leur naissance d’insurrections helléniques ? Son beau-fils, Constantin Moussouros, ambassadeur de la Porte à Athènes, n’a-t-il pas déjà mainte fois servi les vengeances ottomanes ? Les cosmopolites du Fanar sont en Grèce l’unique soutien des diplomaties étrangères. Tour à tour voltairiens et superstitieux, ils semblent n’avoir qu’un culte, celui du tsarisme, culte que nourrissent en eux leurs souvenirs byzantins et leur prétention de fonder un nouveau bas-empire. Les Fanariotes enfin sont le fléau social de la race grecque ; quoi d’étonnant qu’elle veuille s’en délivrer ? Restreint à ces limites, l’autochtonisme trouve des excuses, il faut seulement regretter que la proscription se soit étendue jusqu’aux victimes que l’avidité ou le caprice des pachas force à fuir la Turquie. Espérons que l’humanité du peuple grec rétractera bientôt l’arrêt cruel porté contre ces infortunés.

Quant aux Bavarois, l’opinion a irrévocablement prononcé sur leur sort. Ayant perdu tout espoir de conquérir militairement la Grèce, ces étrangers comptaient pouvoir s’y maintenir encore par la colonisation et l’agriculture. En effet, ils avaient jusqu’à présent laissé en friche, et sans les répartir entre les habitans, toutes les anciennes propriétés des Turcs dans le royaume. Pendant que les plantes parasites envahissaient et détérioraient ces magnifiques domaines, les plus riches