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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/685

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et l’archiduc Stephane, gouverneur de Prague, a été nommée pour examiner ces demandes, parmi lesquelles on remarque le projet de réintégration de la langue bohème dans les actes du gouvernement, la création d’une banque d’hypothèques, l’abolition de la loterie, la nomination d’un président spécial des états, qui ne pourrait plus être le gouverneur du royaume. Au nombre des articles qu’a ratifiés le cabinet aulique, on trouve une concession importante : le burgrave de Prague, président de la diète, devra désormais être choisi parmi les magnats du royaume. En encourageant la nationalité tchèque, l’Autriche espère sans doute l’opposer un jour à la Hongrie maghyare, qui opprime les Tchèquo-Slovaques. Attiser le feu de la jalousie entre ces deux nationalités qui renaissent, de manière à les faire au besoin lutter l’une contre l’autre, est pour l’habile gouvernement qui siège à Vienne le plus sûr moyen de se maintenir et de rester finalement l’arbitre du combat. Ainsi là comme partout les peuples déchus ne pourront se relever qu’en opposant aux intrigues machiavéliques des cours des doctrines de fraternité et de pardon.

Malheureusement l’impatience du joug ne se manifeste encore en Bohême, comme en Silésie, que par cette fougue dévastatrice des classes ouvrières, qui le plus souvent présage de grands bouleverse mens sociaux. En 1844, après avoir détruit à Prague et à Reichenberg les machines des manufactures, les ouvriers ameutés ont marché par milliers contre la troupe de ligne, et des charges meurtrières ont pu seules les repousser. Le développement que prend dans ce pays le prolétariat est d’autant plus effrayant, qu’il vient des juifs, classe de spéculateurs dénuée des moyens dont dispose la bourgeoisie chrétienne pour se défendre ou pour se faire pardonner. Aussi les familles juives commencent-elles à émigrer en grand nombre de la Bohème, dans la crainte d’y subir de nouvelles persécutions. Il est certain que les riches israélites de ce pays y exercent un monopole odieux. Néanmoins le gouvernement les favorise au point de les laisser, contrairement aux lois de l’empire, acheter des châteaux, et avec ces châteaux le droit de forcer aux plus pénibles corvées les paysans chrétiens ; ceux-ci, indignés de se voir devenus les serfs d’une race que dans leur fanatisme ils méprisent, s’insurgent plutôt que de la servir. C’est ainsi que l’Autriche, pour semer la discorde chez les peuples qui lui sont soumis, a recours à tous les moyens. Là où elle ne peut employer comme instrumens d’oppression les seigneurs indigènes, elle se sert des juifs ; mais cet expédient extrême prouve combien l’embarras est grand, c’est-à-dire combien l’absolutisme autrichien chancelle, même dans cette