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faisaient encore figure à côté de M. Duncombe et de M. Roebuck. Il ne faudrait pas en conclure pourtant que la politique est l’élément naturel de tout ce peuple, ni qu’il s’y complaît.

Les formes représentatives font partie des mœurs anglaises ; elles s’appliquent aux intérêts les plus secondaires et jusqu’aux amusemens qui n’ont rien de public. Quatre hommes ne peuvent pas boire ensemble sans élire un président (chairman), ni sans porter des toasts qui expriment leurs sympathies ou leurs vœux. Toute partie de plaisir a ses règles ; pour toute chose, on s’associe, et toute association s’organise suivant le principe du système électif. Il en est de la procédure parlementaire au-delà de la Manche, comme de la danse chez les anciens, qui se mêlait à toutes les habitudes de la vie et même aux cérémonies sacrées. Mais ne prenons pas la forme pour le fond ; le fait de s’associer, de délibérer et de prendre des résolutions en commun, fait universel en Angleterre, ne constitue pas une classe de citoyens à l’état politique, et ne signifie pas qu’elle ait la prétention ou le moyen de prendre part au gouvernement.

La division du travail, dont on a fait un axiome de la science industrielle, est avant tout un trait distinctif du caractère anglais. Ce principe règle la politique comme le reste ; bien que le droit de suffrage descende très bas et qu’il tende à se généraliser encore, il y a toujours une classe dont les affaires publiques sont la vocation, et sur laquelle les autres classes de la société se reposent de ce soin. Celles-ci font de temps en temps une démonstration, elles donnent des marques d’assentiment ou de déplaisir ; encore faut-il que l’occasion les sollicite. Un grand péril peut les tenir en éveil, une mauvaise administration peut exciter leur colère ; mais ces emportemens passagers ne donnent pas au peuple une action régulière ni sérieuse sur la direction imprimée au pays.

Dans la politique du royaume-uni, les classes inférieures jouent le même rôle que les archers dans les armées du XIIIe et du XIVe siècle ; elles aident à gagner les batailles de l’esprit public ; elles sont un instrument utile, un appoint important, mais elles ne sont pas autre chose. Il ne faut voir dans leurs rangs que des nombres dont la valeur dépend de la place qui leur est assignée. En veut-on la preuve ? que l’on regarde d’où sont venues et comment se sont formées les commotions populaires depuis trente ans. On n’y découvrira rien de spontané, ni qui ressemble à un développement des opinions. La cause qui fait agir le peuple est toujours extérieure au peuple : en 1815, la loi sur les grains ; en 1817 et 1819, la marche réactionnaire du gouvernement ;