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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/727

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« caresses des amans si propres à séduire » (blanditiœ amantium ad inliciendum promptiores) et de « la fragilité féminine qui gagne tant de gloire à vaincre la vigueur de l’homme » (virile robur femineoe fragilitati subjacens). Partout, dans ces esquisses aussi nettes qu’elles sont puissantes, se mêle à un parfum de conviction chrétienne, à une foi ardente, l’instinct merveilleux des passions inconnues peut-être, à coup sûr pressenties. Lorsque Gallicanus, épris de la beauté de Constantia, embrasse le christianisme, et fait comme elle, et à son exemple, vœu de chasteté, la préférence qu’elle ressent pour lui se révèle par un mot admirable : « Je serai plus forte si vous êtes fort avec moi » (Eo liberius servabimus, quo te non contra luctari sentimus). Dans le drame intitulé Callimaque, le jeune homme déclare son amour à Drusiana, qui repousse ses propositions avec mépris ; restée seule, elle pense à lui ; l’amour va l’atteindre, elle demande à Dieu de mourir « plutôt que d’être la ruine de cet aimable jeune homme. » Cet unique mot trahit la vivacité du sentiment secret que la résistance accroît et enflamme ; la lutte chrétienne contre les passions s’annonce. Les traits de ce genre sont fort nombreux chez Hrosvita, et le savant éditeur a raison de les signaler comme les premiers éclairs de ces sentimens contenus et de ces combats intimes « qui ont défrayé le drame et le roman modernes. »

Les situations les plus scabreuses n’effraient pas la nonne, ou plutôt elles l’attirent ; on dirait qu’elle veut mesurer sa force contre cette puissance attrayante et redoutée. Ici un amant, semblable au. Roméo de Shakspeare (et la remarque est de M. Magnin), soulève la pierre du cercueil, contemple cette femme adorée, cette beauté morte et non encore flétrie, et, se jetant sur la terre humide, éclate en sanglots passionnés : « Te voilà donc, toi si belle encore, et qui m’as repoussé si durement ! » Ailleurs, le lieu de débauche s’ouvre, et la jeune courtisane donne accès à l’ermite qui, sous l’habit d’un cavalier, la pénètre de honte, la convertit et la ramène à la triste cellule de la pénitence. Deux fois la religieuse a traité ce sujet qu’elle a emprunté à deux légendes ; la simplicité, la variété de cette double esquisse, prouvent la fécondité de ses ressources et l’attrait qu’avaient pour elle de telles victoires et aussi de tels combats.

L’accent de la prière et de l’exaltation chez notre religieuse est aussi, solennel et aussi brûlant que l’accent de l’amour ; des traits de philosophie admirables par le sentiment et la profondeur lui échappent. Telle est cette apologie de la science prononcée par l’ermite Paphnuce - « Mieux l’homme comprend avec quelle habileté merveilleuse Dieu