Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/728

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a réglé le nombre et le poids des mondes, plus il brûle d’amour pour lui, et c’est avec justice. » Au lieu de cette traduction adoptée par M. Magnin, nous préférerions l’expression vive, « et c’est justice (nec injuria), » qui rend mieux le sentiment de l’auteur. La simple nonne allemande du Xe siècle avait deviné l’accord de la philosophie et de la pensée religieuse, et résolu par l’amour le problème qui inquiète les philosophes. On ne doit pas s’étonner de l’hommage que lui ont rendu quelques-uns des esprits les plus délicats de ce temps ; M. Magnin, dans ce recueil même[1], a consacré à la religieuse des pages excellentes, d’un coloris ferme et fin, pleines de sagacité et d’éclat, et qui, reproduites à la tête de sa traduction, nous dispensent d’une nouvelle analyse.

La contemporaine des Othons n’échappe pas, tant s’en faut, à ce crépuscule de grossièreté et de pédantisme, de raffinement et de barbarie, dont nous avons cité des traits. Elle étale avec la complaisance d’un heureux enfant les nouveaux bijoux de sa science ; elle a des dissertations sans fin sur la géométrie, l’algèbre, la musique des sphères, et des subtilités aristotéliques qu’elle prête à ses amans ; à côté de cela, elle se permet des bouffonneries très lourdes, dans le style même de M. de Pourceaugnac. C’est un amoureux trop empressé, qui pendant l’obscurité de la nuit croit enlacer de ses bras une belle proie et n’embrasse que des marmites. Il s’échappe ensuite tout noirci ; ses beaux vêtemens de conquête, souillés par les instrumens de cuisine, se pavanent devant le monde ; alors des cris de joie et des éclats de rire de jeunes filles, de religieuses et de seigneurs, semblent traverser le Xe siècle, le saint monastère, et tous les temps qui suivirent, pour arriver à nos oreilles.

Le style latin dans lequel ces essais dramatiques sont écrits mérite une étude, et ne ressemble guère à celui de Térence, quoi qu’en dise la bonne religieuse ; peut-être, si nous l’examinons de bien près, y découvrirons-nous quelques caractères qui signalent le passage du monde ancien au monde moderne. La vie de Meinwerc nous en a offert des échantillons ridicules. Hrosvita en est le modèle achevé et comme le perfectionnement définitif.

Au premier aspect, vous croyez lire de la prose, et tous les éditeurs ont reproduit de cette manière, sans indiquer une forme rhythmique ou rimée, les drames de Hrosvita ; si vous les relisez avec plus d’attention, vous êtes frappé du retour constant des assonances ou rimes

  1. Revue des deux Mondes, livraison du 15 novembre 1839.