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incomplètes, qui coupent la phrase, tantôt en deux, tantôt en trois parties inégales. Les variétés et accidens du dialogue suspendent en vain cette marche symétrique ; dès que le discours prend un peu d’étendue, la rime reparaît avec acharnement !


ABRAHAM.

Hei mihi ! bone Jesu ! quid hoc monstri
Est quod hanc quam tibi sponsam nutrivi
Alienos amatores audio sequi !

AMICUS.

Hoc meretricibus antiquitus fuit in more
Ut alieno delectarentur in amore.

ABRAHAM.

Affer mihi sonipedem delicatum
Et militarem habitum,
Quo deposito tegmine religionis
Ipsam adeam sub specie amatoris.

« Hélas ! doux Jésus, quelle affreuse nouvelle, que celle que j’avais élevée pour devenir votre épouse suive d’autres amans !

« C’est la vieille méthode des courtisanes, de se complaire à l’amour des étrangers.

« Amenez-moi un coursier rapide et un habit de soldat, afin que, déposant les vêtemens religieux, j’aille la trouver sous le costume d’un amant. »


Il ne s’agit pas d’une ou deux rimes jetées par hasard dans le texte, mais d’un système entier d’assonances, aussi fidèlement suivi que chez les dramaturges espagnols ; en réalité Hrosvita écrit des vers libres, de toute espèce de pieds ; elle subit cette loi, même dans des phrases très brèves, comme celle-ci :

CONSTANTINUS.

Si aliud expetas, — Oportet proferas.

Et encore :

EPHREM.

Qualiter ?

ABRAHAM.

Miserabiliter, — Deinde evasit latenter.

Ailleurs encore :

MILITES.

Non terremur, — Sed nitimur.