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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/73

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ouvert de Saint-Petersfield, les femmes vêtues de blanc, les hommes portant des rameaux verts sur leurs chapeaux, et Hunt haranguait la foule, lorsque la yeomanry de Manchester, jointe à celle du comté voisin, lança ses chevaux au milieu de cette masse compacte, foulant aux pieds ceux qui ne fuyaient pas assez vite, et sabrant ceux qui faisaient mine de se défendre. Ce fut un lâche massacre ; le champ en a gardé, par allusion à une bataille beaucoup trop célèbre en Angleterre, le nom sinistre de Peterloo. Dès ce moment commencèrent entre la classe inférieure et la classe moyenne ces haines implacables qui divisent une nation en deux peuples ennemis.

A dater de 1819, Manchester cesse d’être le quartier-général des mouvemens politiques. A l’hostilité contre le gouvernement succède l’hostilité contre les chefs de la manufacture. Manchester devient le centre des coalitions d’ouvriers, et les agitateurs politiques se rabattent sur Birmingham. Les ouvriers en coton s’absorbent dans les questions de salaire ; les réformistes vont recruter leurs troupes parmi les mineurs et les ouvriers en métaux.

De 1820 à 1830, les classes laborieuses disparaissent de la scène politique et semblent avoir donné leur démission. En 1830, l’union politique de Birmingham les réveille. Les ouvriers, enrôlés encore une fois sous la bannière des classes moyennes, mais avec une pensée qui leur est propre, se lèvent à la voix d’Attwood. En 1817, le peuple de Londres avait insulté le régent ; en 1831, les ministres de Guillaume IV, effrayés de l’irritation populaire, conseillèrent au roi de ne pas se rendre à l’invitation du lord maire dans la Cité. Des troubles éclatèrent sur plusieurs points de l’Angleterre, jusqu’au jour où, le système de résistance rendant les armes, l’acte de réforme inaugura une politique nouvelle dans l’administration du royaume-uni.

A partir de cette époque, la coalition temporaire des ouvriers avec les maîtres contre la vieille aristocratie qui gouvernait depuis William Pitt ne s’est plus reformée. Les classes inférieures, livrées à elles-mêmes, s’éloignent chaque jour davantage des intérêts et des lois qui dominent dans la société. Elles ne confient plus à personne le soin de rédiger leur programme, ni de leur fournir une bannière. Après s’être confondues long-temps avec le parti radical, et après lui avoir apporté le relief que procure toujours l’appui de la foule, elles ont voulu constituer un parti distinct ; de là l’origine des chartistes qui occupent l’attention publique depuis sept ans.

En Angleterre, les partis même dont l’émeute est la vocation débutent par des remontrances parlementaires. La première démonstration