Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des chartistes fut une pétition à la chambre des communes, par laquelle ils demandaient : « 1° que tout habitant mâle du royaume qui aurait atteint l’âge d’homme eût le droit de voter dans les élections ; 2° que le vote eût lieu au scrutin secret (ballot) ; 3° que les élections fussent annuelles ; 4° que le cens d’éligibilité fût supprimé, et que les membres des communes reçussent un traitement ; 5° enfin, que l’égalité proportionnelle fût établie entre les districts électoraux, en prenant la population pour base du nombre des membres à élire[1]. » Ce sont là les cinq points de la charte du peuple, les articles du symbole qui représentait, aux yeux d’une multitude ignorante, l’avenir du pays.

La pétition, adoptée à Birmingham le 6 août 1838 dans une assemblée nombreuse, servit à rallier et à organiser les ouvriers. Elle se couvrit, en peu de mois, de 1,280,000 signatures, et le principe en fut reconnu dans plus de 500 meetings. Chacune de ces réunions devait nommer un délégué, et l’assemblée des délégués, convoquée à Londres pour les premiers jours d’avril 1839, reçut le nom pompeux de convention nationale. Les classes laborieuses affichaient ainsi la prétention d’établir un parlement démocratique, en face du parlement qui était l’expression légale de l’aristocratie.

Cette convention nationale, à peine réunie, se jeta dans les voies de l’anarchie la plus furibonde. C’était le moment où, la majorité des whigs ayant chancelé dans les communes, il se faisait une tentative de restauration au profit des tories. Les chartistes secondèrent la réaction, dans le seul espoir d’augmenter les chances de désordre. Les motions les plus factieuses se succédaient dans leurs meetings un jour, on déclarait que la chambre des communes n’était plus la représentation constitutionnelle du peuple ; un autre jour, que le peuple avait le droit de s’armer et que tout citoyen, afin de protéger sa vie et ses biens, devait posséder une arme à feu. Bientôt, ne trouvant pas auprès de la population métropolitaine la sympathie sur laquelle ils avaient compté, les membres de la convention ne se crurent plus en sûreté à Londres. En faisant la motion de quitter la capitale, un des meneurs, Feargus O’Connor s’écriait : « Je crois de l’intérêt des délégués d’aller s’abriter derrière un quart de million d’hommes prêts dans Birmingham à prendre leur défense. Il y aurait moyen de

  1. L’opinion qui veut que le scrutin secret protège le vote des électeurs a fait des progrès en Angleterre. La motion de M. Grote sur le ballot, qui n’avait réuni, en 1833, que 106 voix sur 317 votans, et, en 1835, 146 voix sur 485 votans, obtint, en 1839, 218 voix sur 553 votans.