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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/75

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rallier les chartistes du Lancashire et du Yorkshire ; rester à Londres au moment où le pays de Galles s’insurge, où une révolution peut éclater en Irlande, et où l’Angleterre jettera un cri de vengeance, ce serait s’exposer à ne pas pouvoir distinguer ses amis de ses ennemis. Nous avons à Birmingham une protection que le gouvernement n’oserait pas nous ravir ; les hommes libres de Birmingham savent fabriquer des armes.

Dès-lors il devenait évident que les chartistes, au lieu de se proposer une réforme, préparaient une insurrection. Le parti radical en fut lui-même effrayé. M. Attwood, qui avait consenti à présenter la pétition monstre à la chambre des communes, écrivit au comité de Birmingham pour l’engager à désavouer toute pensée de violence et de recours à la force physique, tout désir de semer la discorde entre les ouvriers et les maîtres, toute intention d’empiéter sur les droits et sur les privilèges des autres classes de la société. « Paix, loi, ordre, loyauté, union, disait cet apôtre du radicalisme, voilà les bannières sacrées sous lesquelles les hommes de Birmingham ont conduit leurs concitoyens à la victoire, en faisant adopter le bill de réforme. Le peuple, s’il reste fidèle à ces bannières, aura la force d’un géant ; mais s’il les abandonne, il ne sera plus qu’un pygmée. »

Pour toute réponse à des conseils aussi sages et qui partaient d’une voix amie, les membres de la convention réunis sur le Mont-Sacré du chartisme, à Holloway-Heath près de Birmingham, posaient dans les termes suivans les préliminaires de la révolte. « Est-on décidé, sur la demande de la convention, à retirer toutes les sommes individuellement placées dans les caisses d’épargne et dans les banques particulières, ou dans les mains de toute personne opposée aux droits du peuple ? — Est-on prêt, sur la même demande, à convertir tout le papier-monnaie en or et en argent ? — Si la convention juge nécessaire un mois entier pour préparer des milliers de citoyens à obtenir la charte de leur salut politique, est-on résolu à ne pas travailler pendant ce mois et à s’abstenir de toutes liqueurs spiritueuses ? — En vertu de l’ancien droit constitutionnel menacé par des législateurs qui appartiennent à une école moderne, s’est-on procuré les armes des hommes libres pour défendre les prérogatives léguées au peuple par ses ancêtres ? »

Ces résolutions, qui furent unanimement adoptées, moins toutefois l’obligation de l’abstinence, renfermaient un plan de campagne très complet : on voulait embarrasser et affamer le gouvernement avant de l’attaquer ; mais il fallait, pour mener à fin une telle conspiration,