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REVUE MUSICALE.




Beethoven et sa statue occupent en ce moment, nous ne dirons pas l’Allemagne, mais l’Europe entière. De Coblentz à Mayence, il n’est bruit que de l’exaltation triomphale qu’on prépare au roi de la symphonie. Le vieux Rhin se pavoise de ses plus éclatantes banderoles, le pic du Drachenfels se couronne, en guise de lampions, de barils de poix gigantesques, et l’écho séculaire de Saint-Goar récure sa gorge de granit pour mieux porter au loin les mémorables faits des trois grandes journées. Pour un moment, les fourmilières humaines cachées dans les entrailles du Taunus se dépeuplent ; de Schlangenbad, d’Ems et de Wiesbaden, on arrive, on afflue ; les murs de Bonn regorgent d’étrangers, et l’on raconte que plus d’un honorable professeur de l’antique Clementina-Augusta, voyant ses pénates envahis, en est réduit à camper à la belle étoile sans autre abri contre l’ophthalmie que le précieux garde- vue vert qui le protège dans ses cours. Fête nationale et populaire à laquelle les souverains et les hommes politiques eux-mêmes vont prendre part : le roi de Prusse reçoit à Stolzenfels la reine d’Angleterre, M. de Metternich arrive au Johannisberg, et M. de Nassau fait endosser à ses soldats leurs habits neufs. Quel congrès que celui-là : Meyerbeer et M. de Humboldt, le prince Metternich et M. Liszt, sans compter les myriades de pianistes accourus des quatre points du globe, et qui certes n’auront garde de perdre une aussi belle occasion de pérorer sur la philosophie de l’art et autres matières transcendantales ! Aussi j’admire la candeur de ces braves gens qui vont à Bonn, s’imaginant y devoir entendre des merveilles musicales, quelque symphonie de Beethoven, par exemple, exécutée avec une pompe inouïe. De musique et de symphonie, mais il n’en sera point question ; en revanche,