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fautes qu’il peut commettre ; mais cette intervention exige beaucoup de ménagemens. La Grèce ne doit être administrée que par elle-même. On peut lui donner des conseils, des avertissemens ; on ne doit pas s’efforcer de substituer une action étrangère à celle de son gouvernement. Il ne faut pas exercer sur elle une pression trop forte ; il faut lui laisser la liberté de ses mouvemens, et n’influer sur les hommes qui la dirigent que pour les maintenir dans une voie conforme à l’intérêt national.

Telle est la politique professée par sir Robert Peel au sujet de la Grèce ; telle est aussi la politique de la France. Seulement il y a cette différence entre le cabinet français et celui de l’Angleterre, que le premier est représenté à Athènes par un homme ferme et modéré, qui suit scrupuleusement cette politique désintéressée, impartiale, que prêche à la tribune sir Robert Peel, tandis que le représentant britannique, par sa conduite exclusive et irritante, a donné plus d’un démenti aux déclarations officielles de son gouvernement. Qui ne se rappelle le ministère de M. Mavrocordato, si fatalement dominé par la légation anglaise ? Les maux qu’il a produits durent encore. La plupart des abus dont on se plaint, l’irritation des partis, la violation des règles constitutionnelles, la faiblesse du pouvoir, l’impuissance de la loi, tout cela, en grande partie, a pris sa source dans les erreurs et les violences de cette administration funeste, que la légation anglaise a poussée hors des voies de la prudence et du bon sens. Tout cela, cependant, s’il faut en croire lord Palmerston, est l’œuvre de la légation française. Sir Robert Peel, qui connaît la valeur de cette accusation, aurait pu disculper M. Piscatory, mais il n’a pas eu cette générosité. Au contraire, loin de justifier la conduite de la diplomatie française à Athènes, il a dirigé contre elle une insinuation peu bienveillante. Il a félicité ironiquement la France des résultats produits par son intervention. Ce trait a dû être sensible à M. Guizot. Du reste, depuis quelque temps, il n’est pas rare de rencontrer dans les discours des ministres de l’Angleterre la trace de certains dissentimens avec notre cabinet. Il y a quinze jours, au sujet des affaires de la Syrie, nous faisions remarquer, en comparant les paroles de lord Aberdeen et de M. Guizot, les graves dissidences qui séparent les deux gouvernemens sur cette question. Aujourd’hui, sur les affaires de Grèce, sir Robert Peel ne peut dissimuler le dépit que lui donne l’influence légitime et naturelle de M. Piscatory. Tels sont les symptômes qui caractérisent aujourd’hui l’entente cordiale en Orient. On voit qu’elle a perdu de ce côté un peu de son prestige.

Si l’entente cordiale essuie de graves échecs en Grèce et en Syrie, elle est du moins dans toute sa force au Mexique ; mais elle y produit de tristes résultats. Malgré les ouvertures faites par la France et l’Angleterre, l’annexion a été prononcée par les deux chambres du Texas. Aussitôt le gouvernement de l’Union a envoyé des troupes pour protéger le territoire du nouvel état. C’est donc une partie perdue et une mauvaise campagne pour notre diplomatie. On dira de nous, dans cette circonstance, que nous avons suivi une politique imprudente et mesquine. Nous pouvions garder la neutralité ; tout