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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/762

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nous faisait une loi de rester spectateurs de la lutte. Au lieu de prendre ce parti si sage, nous nous sommes jetés, à la suite de l’Angleterre, dans une négociation qui ne pouvait nous offrir aucun profit réel, en échange de dangers inévitables. Pour défendre un intérêt qui nous est étranger, nous avons agi contre notre intérêt propre. Pour favoriser les vues de l’Angleterre, nous avons blessé les justes susceptibilités d’une nation amie, dont le concours est nécessaire au maintien de l’équilibre maritime ; nous avons préféré la reconnaissance du Mexique à celle des États-Unis ! Encore, si tout était terminé avec la question du Texas ! Mais qui peut dire que la même épreuve ne se renouvellera pas bientôt ? Maîtres du Texas, les États-Unis convoitent l’Orégon ; maîtres de l’Oregon, ils voudront la Californie, qu’ils envahissent déjà. Puis ils voudront les mines du Mexique ; ils voudront un jour le Canada. Pendant que l’Angleterre luttera contre chacun de ces empiètemens, que fera la France ? Déjà, sur la question de l’Orégon, la lutte est déclarée. L’Angleterre, par l’organe de sir Robert Peel, a formellement annoncé que, si les États-Unis persistaient à ne pas reconnaître son droit, elle saurait les y contraindre par la force. Lord John Russell, au nom de l’opposition britannique, a parlé dernièrement dans le même sens. De leur côté, les États-Unis maintiennent énergiquement leurs prétentions. Pour toutes les classes de la société américaine, la question de l’Orégon est devenue nationale ; elle exalte au plus haut point les esprits : quiconque parlerait aujourd’hui d’abandonner aux menaces de l’Angleterre, la plus petite portion du territoire contesté serait regardé comme un traître. Dans ce redoutable conflit, que fera donc notre gouvernement ? Après avoir fait un premier pas dans une politique hostile aux États-Unis, pourra-t-il reculer ? Et, s’il se considère comme engagé vis-à-vis de l’Angleterre, s’il prend ouvertement parti pour elle contre l’Union américaine, quelles seront les conséquences de ce grave changement dans la politique traditionnelle de la France ? Dieu veuille que la faute commise sur la question du Texas ne nous entraîne pas si loin ; ce serait payer trop cher le rachat du droit de visite.

Le gouvernement du Mexique a déclaré la guerre aux États-Unis. Cette manifestation ne peut être prise au sérieux, car le Mexique, sans crédit, sans influence, est dépourvu de toutes les ressources nécessaires pour soutenir ses droits. Il n’a ni armée, ni flotte, ni finances. Il courbera donc la tête, et finira par consentir à une spoliation qu’il ne peut empêcher. Son appel aux armes ne sera qu’une satisfaction donnée à une vaine gloriole, ou à un patriotisme impuissant. Comment le Mexique pourrait-il faire la guerre ? Chaque jour voit naître une nouvelle tentative de révolte que le gouvernement n’ose punir. Le parti de Santa-Anna s’agite. D’un moment à l’autre, on attend une nouvelle révolution.

Au milieu de ces graves embarras, le différend de M. Alleye de Cyprey avec les autorités mexicaines n’est pas encore terminé. L’agent français a montré jusqu’ici une grande patience, et on ne saurait l’en blâmer, car ce n’est pas dans un pays redevenu presque barbare que les représentans du