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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/765

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de même de M. d’Anethan, ministre de la justice. Quant au ministre des finances, M. Malou, il est le principal objet des préventions du parti libéral, et il faut reconnaître que ces préventions ne sont pas sans fondement. Cependant on assure que les opinions de M. Malou se sont modifiées, surtout depuis les dernières élections, et qu’il est sincèrement résolu à seconder la politique de transaction entreprise par M. Van de Weyer et ses collègues du parti libéral modéré. En Belgique comme ailleurs, le mouvement ultra-montain, après avoir produit des excès, tend à s’arrêter. Effrayés des maux qu’il entraîne à sa suite, ceux même qui l’ont le plus favorisé sentent la nécessité de le contenir.

Par une bizarrerie de l’esprit humain, et par suite de cette exagération que l’on rencontre si souvent dans les matières religieuses, pendant que nous voyons la France, la Suisse, la Belgique, diversement remuées par les tendances ultramontaines, un mouvement tout-à-fait contraire a lieu dans les états du nord de l’Allemagne. Là, le christianisme tend à se dégager de plus en plus des liens de la cour de Rome. Parmi les sectes schismatiques, l’une d’elles s’intitule la nouvelle église catholique. Elle a pour chefs MM. Ronge et Czerski. Sa doctrine se réduit à un pur panthéisme, sorti des nuages de la philosophie allemande. Les nouveaux sectaires se disent les fils de Lessing et de Herder, qu’ils nomment les théologiens du XVIIIe siècle. Ils repoussent l’autorité du pape. Ils n’ont point de symbole, point de culte ; ils portent en eux l’esprit de la religion, cela leur suffit ; ils sont tous prêtres par la grace du sentiment religieux, et ils n’ont pas besoin d’églises pour officier ; leur temple est la voûte du ciel. Voilà ce qu’ils appellent le véritable christianisme évangélique et catholique. L’Allemagne du nord a vu naître ce mouvement, qui a gagné peu à peu l’Allemagne du midi. Cependant, jusqu’ici, les progrès de la nouvelle religion paraissent assez limités. Tolérée par l’indifférence dans certains états, elle a rencontré dans d’autres une opposition déclarée. La Saxe lui a refusé l’autorisation de célébrer ses cérémonies publiques. La Prusse lui est peu favorable. Des villes importantes, comme Mayence, Cologne, Coblentz, lui ont fermé leurs portes. Sauf la Gazette de Leipsig, journal officiel de M. Ronge, les organes les plus influens de la presse allemande ont refusé leurs colonnes aux réformateurs. En outre, les néo-catholiques allemands sont vivement combattus par les sectes protestantes aussi bien que par les catholiques orthodoxes ; les rivalités engendrent parmi eux des divisions, et enfin l’accueil qu’ils reçoivent des populations n’est pas toujours encourageant : témoin la réception qui vient d’être faite à M. Czerski, il y a peu de jours, dans le duché de Posen, où sa présence a excité les troubles les plus graves ; sa vie a été menacée, et il n’a pu échapper que par hasard à la fureur du peuple. On nous assure que M. Czerski, M. Ronge et leurs coreligionnaires sont des hommes sincères ; nous n’en doutons pas. La foi évangélique est leur seule passion, ils n’ont aucun but politique, et ils repoussent toute solidarité avec le communisme ; nous les en félicitons. Nous regretterons seulement que l’Allemagne, au siècle où nous