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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/77

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renouvelée. » Un troisième résumait ainsi toutes les opinions : « Le peuple est décidé à obtenir la charte par des moyens pacifiques, s’il se peut, et, dans le cas où cela ne se pourrait pas, par la force. » C’était ce que M. Bronterre O’Brien appelait « se venger nationalement sur la vie et sur les propriétés des hommes des classes supérieures et moyennes. »

Les effets suivirent de près les paroles. La convention nationale avait laissé aux comités locaux le soin de décider à quelle époque devait commencer le mois sacré (national holiday) dans chaque district manufacturier. Le mois d’août ayant été généralement choisi, des attroupemens se formèrent à Newcastle, à Manchester, à Sheffield, à Nottingham et à Bury, et la police fut obligée d’employer la force pour les disperser. A Chester, l’on saisit près de six mille fusils. A Birmingham, la lutte prit un caractère très grave. Pendant dix jours, les ouvriers, se rassemblant chaque soir au centre de la ville, dans le Bull-ring, avaient tenu le reste des habitans dans un perpétuel état d’alarme. Le 15 juillet, l’émeute, ayant recruté quelques mineurs des environs, envahit les rues principales ; repoussée d’abord par la police, elle se rua sur le poste avec plus de force, battit les constables et resta maîtresse du terrain. Alors commença une scène de dévastation purement anglaise : en moins de trois heures, trente maisons étaient démolies et les meubles brisés ou brûlés. Ce ne fut qu’à minuit, et avec le secours d’un régiment qui marchait la baïonnette au bout du fusil, que les autorités purent rétablir l’ordre. Aussi le duc de Wellington en prit-il occasion de dire à la chambre des lords : « J’ai plus d’une fois été témoin oculaire des désastres dont une ville emportée d’assaut est le théâtre ; mais je n’ai jamais vu des excès semblables à ceux qui viennent dans une seule nuit d’affliger Birmingham. »

La plus formidable démonstration des chartistes se fit dans le pays de Galles, à Newport. Les chefs de l’insurrection avaient de longue main travaillé les ouvriers des mines et des forges à trente milles à la ronde. Cette population turbulente et désaffectionnée écoutait avidement les prédicateurs de désordre. On n’eut pas de peine à lui persuader qu’elle allait conquérir l’exemption du travail, le partage des propriétés, et par suite l’abondance. Le 3 novembre, les feux furent simultanément éteints dans tous les hauts-fourneaux, dans les forges et dans les fonderies des environs. En ramassant de gré ou de force les ouvriers, on forma ainsi un rassemblement de dix mille hommes. Le 4, vers dix heures du matin, cette troupe divisée en deux colonnes,