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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/797

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présente ? Dieu est à la fois doux et terrible. En même temps qu’il est la vie, la lumière, le mouvement, la grace ineffable de la nature visible et finie, il s’appelle aussi l’éternel, l’invisible, l’infini, l’immense, l’absolue unité et l’être des êtres. Ces attributs redoutables, aussi certains que les premiers, ne produisent-ils pas au plus haut degré dans l’imagination et dans l’ame cette émotion mélancolique excitée par le sublime ? Oui, l’être infini est pour nous le type et la source des deux grandes formes de la beauté, parce qu’il est à la fois pour nous une énigme impénétrable, et le mot le plus clair encore que nous puissions trouver à toutes les énigmes. Êtres bornés que nous sommes, nous ne comprenons rien à ce qui est sans limites, et nous ne pouvons rien expliquer sans cela même qui est sans limites. Par l’être que nous possédons, nous avons quelque idée de l’être infini de Dieu ; par le néant qui est en nous, nous nous perdons dans l’être de Dieu ; et ainsi toujours forcés de recourir à lui pour expliquer quelque chose, et toujours rejetés en nous-mêmes sous le poids de son infinitude, nous éprouvons tour à tour ou plutôt en même temps, pour ce Dieu qui nous élève et qui nous accable, un sentiment d’attrait irrésistible et d’étonnement, pour ne pas dire de terreur insurmontable, que lui seul peut causer et apaiser, parce que lui seul il est l’unité du sublime et du beau.

Ainsi l’être absolu, qui est tout ensemble l’absolue unité et l’infinie variété, Dieu, est nécessairement la dernière raison, le dernier fondement, l’accompli idéal de toute beauté. C’est là cette beauté merveilleuse que Diotime avait entrevue, et qu’elle raconte à Socrate dans le Banquet.

« Beauté éternelle, non engendrée et non périssable, exempte de décadence comme d’accroissement, qui n’est point belle dans telle partie et laide dans telle autre, belle seulement en tel temps, en tel lieu, dans tel rapport, belle pour ceux-ci, laide pour ceux-là, beauté qui n’a point de forme sensible, un visage, des mains, rien de corporel, qui n’est pas non plus telle pensée ou telle science particulière, qui ne réside dans aucun être différent d’avec lui-même, comme un animal, ou la terre, ou le ciel, ou toute autre chose, qui est absolument identique et invariable par elle-même, de laquelle toutes les autres beautés participent, de manière cependant que leur naissance ou leur destruction ne lui apporte ni diminution, ni accroissement, ni le moindre changement !

« Pour arriver à cette beauté parfaite, il faut commencer par les beautés d’ici-bas, et, les yeux attachés sur la beauté suprême, s’y