d’infanterie sous les ordres du capitaine Hernandez. A peine les premières tranchées étaient-elles ébauchées, que les Mores tombèrent sur les Espagnols, en tuèrent un grand nombre et mirent si bien le reste en déroute, que les fuyards se sauvèrent tout d’une traite jusqu’à Guadix, d’où ils étaient partis et où ils revinrent sans arquebuse, sans épée, sans habits ; ils avaient tout jeté pour courir plus vite. Cette déroute fit peu d’honneur aux armes chrétiennes et contrista profondément le cœur magnanime de don Juan d’Au triche. Le projet de fort fut abandonné, et jamais depuis il n’en fut question.
Non loin de la Raguaha est une caverne creusée dans la montagne et qui porte le nom sinistre de Grotte du Pendu (Cueva del Ahorcado). Cette grotte a sans doute été le théâtre de quelque sombre drame, mais la tradition est muette à cet égard, et le nom seul demeure comme une épitaphe énigmatique dont le sens est perdu. Je me figure que cette caverne mystérieuse dut servir de refuge, lors des persécutions dirigées contre les Morisques, à quelque malheureux proscrit que les attaches toutes puissantes de la patrie enchaînaient malgré tout au sol qui l’avait vu naître. Découvert dans sa retraite par les bourreaux et traîné par eux sur le gibet, il aura payé de sa vie l’amour sacré du pays natal. Tous ces lieux sont sauvages, solitaires et bien faits pour inspirer par eux-mêmes les pensées les plus lugubre. Ce n’est qu’en se rapprochant des plaines qu’on finit par rencontrer des châtaigniers, des mûriers, des oliviers, et partout des pâturages admirables ; justement renommées en Espagne, ces prairies exhalent je ne sais quels parfums suaves, pénétrans, et sont d’une fraîcheur délicieuse ; des eaux vives, dont beaucoup sont ferrugineuses, donnent à la chair des troupeaux comme à leur lait une saveur toute particulière.
Ce pays, qui est l’ancienne Taha d’Andarax, est, comme son nom l’indique (Andarax veut dire en arabe ère de vie), le meilleur de l’Alpuxarra et aussi le plus peuplé ; on y compte sept à huit villes ou villages groupés les uns près des autres dans l’espace d’une lieue ; d’abord le préside d’Andarax, qui donne son nom au district et au fleuve qui le traverse ; un peu plus haut est Paterna, qui a des sources médicinales et, chose inouïe, un pont sur sa rivière ; tout près est Alcolaya et Iniza ; plus bas, Lauxar, un gros bourg, presque une ville, située au sein d’une large et splendide vallée qui la sépare de la sierra ; sa population, supérieure à celle d’Uxixar en nombre, en activité est partagée entre l’industrie agricole et l’industrie métallurgique. Les fourneaux fument à travers ses vergers, et des convois de minerai traversent incessamment et animent ses belles prairies. Le plomb de la sierra de Gador est seul exploité ; on ne tire aucun parti des mines de fer et de cuivre de la Sierra-Nevada. A une portée de mousquet de Lauxar est le Fondon avec son annexe Bénécid, où la couronne d’Espagne a une grande fabrique de plomb. On vante près de là les eaux thermales connues sous le nom de Bains-des-Vieilles-Gardes-de-Castille.
Le Fondon n’est qu’un faubourg de l’ancienne ville de Codbaa, qui était capitale de l’Alpuxarra avant Uxixar et qui fut détruite par les Espagnols