Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la peinture des mœurs du pays, la reproduction originale de la vie allemande ? Ce que Frédérike Bremer, Hauch, Andersen, font si gracieusement pour la Suède et le Danemark, aucun écrivain ne voudra-t-il le faire pour ces intérieurs allemands, si souvent chantés par les poètes, et qui se prêtent avec complaisance aux études aimables du roman ? Ce furent d’abord les plus hautes régions de la société qui attirèrent les touristes. Mme la comtesse Ida Hahn-Hahn et M. Adolphe de Sternberg ont été les historiens les plus goûtés de l’aristocratie, les chroniqueurs des salons brillans, non pas sans un mélange très visible de théories nouvelles et de rêveries sociales. Puis, comme par un contraste subit, on a vu se lever, dans ces dernières années, tout un groupe charmant de conteurs occupés particulièrement de scènes populaires, et qui ont cherché leurs récits dans les villages, dans la cabane du paysan, dans les sentiers de la forêt Noire. M. Levin Schücking, M. Berthold Auerbach surtout, dans ses Schwarzwaelder Dorfgeschichte, quelques autres encore, ont charmé tout à coup l’Allemagne par les plus fraîches peintures, et fait circuler, au milieu d’une littérature toute mondaine, je ne sais quels parfums rustiques et printaniers.

Tel est le tableau rapide, mais exact, de cette nombreuse assemblée de conteurs ; je ne voudrais pas me charger de les présenter tous à notre public de France, mais il y en a plus d’un cependant qui mérite une étude attentive.

Pourquoi ai-je ouvert cette série par Mme la comtesse Hahn-Hahn ? Il s’en faut bien que la brillante comtesse y puisse occuper le premier rang ; parmi tous les noms que je viens de citer, il n’en est peut-être pas un seul qui ne doive durer plus long-temps que le sien, et je m’assure qu’on lira encore la Noble Fiancée, de M. Koenig, et le Congrès de Vérone, de M. Mosen, quand Ilda Schoenholm et Sigismond’ Forster seront tombés dans l’oubli. Hélas ! c’est pour cela précisément que je m’adresse d’abord à Mme la comtesse Hahn-Hahn. On la lit encore en ce moment ; elle a eu un succès de boudoir qu’on ne peut lui contester ; son esprit, ses graces un peu cherchées, son mélange de dédain aristocratique et de hardiesse sociale, lui ont valu une certaine vogue, passagère, je le sais, mais assez vive, qu’il importe d’étudier en temps opportun. Hâtons-nous ! et ne sommes-nous pas un peu en retard ? Les voyages que Mme la comtesse Hahn-Hahn a fait imprimer en si grand nombre depuis ses derniers romans ont beaucoup nui déjà à la célébrité de son nom. Encore une excursion sur le Nil, et la belle Ilda Schoenholm est perdue. Voilà pourquoi je me hâte