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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/858

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assez gracieuse ; il n’y a point de révolte ; l’auteur a seulement voulu tracer un tableau mélancolique et montrer cette difficulté de la vie qui est l’éternel sujet des romanciers, la difficulté des engagemens réciproques, des amours que la grace et le bonheur couronnent.

Avant d’assister au drame et de le juger, tâchons de connaître les personnages que l’auteur a mis en scène. Il y en a trois qui attirent surtout l’attention, la comtesse Ilda, Polydore et Ondine.

La comtesse Ilda Schoenholm est veuve ; elle est jeune encore et belle, malgré les atteintes de la douleur, malgré cette physionomie attristée que lui a donnée l’habitude d’une réflexion profonde ; son ame est pleine de trésors précieux, de génialité, disent les Allemands. Mariée, presque enfant encore, au comte de Schoenholm, elle ne l’a point aimé, mais elle a toujours été soumise et douce. Le comte était un homme grossier, une ame vulgaire ; courbée sous cette autorité implacable, l’épouse humble, mais forte, supportait en silence cette vie froide et sans soleil. Un an avant la mort du comte, un jeune lord qu’il avait rencontré dans ses voyages, lord Henry Killarney, arriva tout à coup au château de Schoenholm. Lord Henry avait cette beauté pâle, cette distinction mélancolique qui plaît tant aux romanciers ; c’est l’amant obligé de la comtesse Ilda. Que lord Henry et la comtesse Ilda s’aimassent, ce n’était un sujet de doute pour personne. Cependant, un matin, tout à coup, lord Henry part, sous le premier prétexte, et retourne en Angleterre. Il était parti sur un signe d’Ilda, dès que cet amour, silencieux d’abord, avait pu inquiéter la noble jeune femme. Hélas ! elle fut mal récompensée du sacrifice qu’elle avait fait à son devoir ; quelques mois après la mort du comte, au moment où elle allait partir pour retrouver lord Henry en Angleterre, elle apprend tout à coup que lord Henry a cessé de vivre. Alors elle s’enferme dans la solitude comme dans un cloître, elle cherche dans une profonde retraite un aliment à ces saines douleurs qu’il faut accepter pour fortifier la vie ; elle ne veut pas que le monde puisse éloigner, par ses vulgaires distractions, les amères pensées dont elle aime à se nourrir. Pourtant, lorsqu’elle sortit de sa retraite, lorsqu’elle reparut dans le monde, n’oublia-t-elle pas un peu vite cette douleur sincère ? Ne chercha-t-elle pas à en tirer parti pour sa vanité ? Je n’aime pas que la comtesse Ilda devienne une femme de lettres, un écrivain distingué, un poète, un romancier à la mode. Malheureusement c’est là le caractère, c’est là le défaut prétentieux de toutes les héroïnes de Mme Hahn-Hahn ; nous le verrons mieux tout à l’heure. La voilà donc qui écrit des vers, des romans, et qui remplit l’Allemagne