Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/865

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et cependant rien ne l’arrête. Suivre tous les entraînemens de la passion, c’est la loi suprême pour ce cœur frivole et fier. Faustine épouse le comte Mario ; mais le comte Mario sera puni, il sera abandonné un jour comme l’a été le comte Anastase. Quand l’amour de Faustine s’affaiblira, elle ira chercher un autre amour, un amour saint, religieux, je l’accorde, mais enfin c’est toujours son incurable égoïsme qui la pousse, elle entrera dans un couvent. Un jour, dans un voyage d’Italie, à Pise, comme elle est sur le point d’être admise dans une abbaye de carmélites, elle rencontre dans la cathédrale un voyageur épuisé, mourant, que le soleil de Pise ne ranimera pas. Elle a reconnu le comte Anastase. Faustine veut le revoir une dernière fois et obtenir son, pardon. Ce remords, il est vrai, ne dure guère ; laissant derrière elle ce mort, tant aimé jadis, qui est venu l’accuser, oubliant sans pitié et son mari et son enfant, incapable de sacrifice, elle va chercher le repos dans la solitude et l’exaltation du cloître.

Certes, quand on raconte brièvement cette dernière partie du roman, la lâcheté de l’héroïne paraît dans sa nudité coupable ; mais ce n’est pas là ce qu’a voulu l’auteur. Cette Faustine que je déteste, Mme la comtesse Hahn-Hahn l’admire. Faustine, c’est l’idéal préféré. Cette facilité à suivre sans résistance l’entraînement égoïste de son cœur, cette impuissance à se dévouer pour un devoir, cette morale fausse, perfide, qui excite à chaque instant l’aversion du lecteur, tout cela est vanté par le romancier et transformé en une vertu supérieure ! L’avocat de Faustine veut absolument que nous aimions le vice de sa fille chérie ; il veut que nous vénérions comme un noble cœur ce cœur mesquin et lâche. Faustine devient une sainte, et elle meurt au couvent de Pise, sans regret, sans remords, avec la sérénité d’une ame qui a bien vécu et qui a suivi courageusement les sévères prescriptions du devoir. Faustine, on le voit trop, est à la fois l’imitation et la contrepartie d’un roman célèbre de George Sand. L’auteur de Jacques avait montré avec une singulière éloquence le courage stoïque, le dévouement impossible d’une grande ame, qui s’élève jusqu’à une abnégation plus qu’humaine. Le héros de George Sand, c’est Jacques, ce n’est pas Fernande, ce n’est pas la femme faible pour qui Jacques s’est condamné à de sublimes douleurs. Sans doute, le romancier s’intéresse à cette douce Fernande, il la plaint, surtout il décrit son cœur, et fait naître une à une les occasions terribles qu’elle fournit à la vertu austère du héros ; mais ce n’est pas Fernande qu’il faut admirer. Et puis, Fernande doit ignorer les desseins de Jacques, son héroïque renoncement ; elle l’ignore, en effet, elle ne sait pas quel