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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/867

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Si l’auteur, en écrivant ces deux livres, a donné ce qu’il y avait de plus vigoureux au fond de sa pensée, on peut être inquiet, à bon droit, pour l’avenir de son talent. Dans les quatre romans qui ont suivi à de courts intervalles Ilda Schoenholm et la Comtesse Faustine, Mme la comtesse Hahn-Hahn n’a fait que reproduire, en les affaiblissant, les qualités déjà si fragiles de son imagination ; quant aux défauts, ils se sont accrus peu à peu et ont fini partout envahir. Ce seront presque toujours, au lieu d’une conception originale, les longs détails d’une scène de salon, un interminable babillage, le soir, en buvant le thé, chez M. le duc ou Mme la baronne. Les caractères, déjà si faiblement peints dans ses premiers récits, pâlissent et s’éteignent ; vous voyez passer sur la muraille du salon, à la lueur vacillante des lampes, des silhouettes indécises. Je veux considérer de près le prétentieux pastel où l’auteur s’amuse à reproduire ces ombres fugitives ; mais déjà la couleur s’efface, les lignes se mêlent, et je n’ai plus devant les yeux qu’une confusion bizarre dont le sens m’échappe. Moins l’auteur est sûr de sa pensée, plus il multiplie ses personnages. Il voudrait bien que le mouvement de son tableau pût dissimuler la faiblesse de son invention ; par malheur, c’est le contraire qui arrive : le salon est plein, le roman est vide.

Non, je l’avoue humblement, je n’ai pas eu le bonheur de découvrir, malgré une lecture attentive, le sens mystérieux du livre que Mme la comtesse Hahn-Hahn a intitulé der Rechte, le juste, le bon. Je ne pouvais croire, en vérité, que le romancier n’eût voulu nous donner autre chose qu’une série de tableaux, dans un récit dont le plan n’existe pas, et qu’on pourrait lire en commençant par la fin. Je voulais absolument trouver une pensée, une conclusion, mais ma clairvoyance n’a pas égalé ma bonne volonté, et je n’ai pas réussi à deviner l’énigme. Il n’y a guère qu’une seule figure assez nette dans la confuse histoire où j’ai essayé de voir clair, c’est celle de lady Desmont. Lady Desmont, c’est encore l’éternel personnage de Mme Hahn-Hahn ; c’est Ilda Schoenholm, c’est Faustine, c’est l’unique héroïne de l’auteur, la jeune comtesse brillante, dédaigneuse, pleine de verve, d’éclat et de fantaisie. Presque tous les romans de Mme Hahn-Hahn se passent dans un salon ou sous les ombrages d’un parc, autour d’une table où l’on prend le thé. Les évènemens, en très petit nombre, qui viennent interrompre ces soirées monotones et donner au tableau l’apparence d’une action, sont toujours racontés par le baron ou par la vicomtesse ; on ne peut pas quitter cette maudite table. Le roman commence à neuf heures pour