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compare ce que l’Angleterre est aujourd’hui avec ce qu’elle était il y a un siècle, en 1740, il est impossible de ne pas voir que les classes supérieures ont beaucoup gagné en luxe et en élégance, et que les ressources dont la classe moyenne disposait pour se donner le comfort et les jouissances de la vie se sont aussi beaucoup accrues ; mais, en considérant la condition des classes laborieuses, et en comparant la quantité de choses nécessaires à la vie, que leur salaire pouvait leur procurer au milieu du dernier siècle, avec celle que leur salaire leur procure aujourd’hui, si nous pouvions descendre dans tous les détails qu’étalent sur ce sujet les rapports de vos commissaires, nous serions bientôt convaincus que le peuple n’a pas participé, au même degré que les autres classes de la société, au progrès de la civilisation et des connaissances humaines[1]. »

Lord Stanley va plus loin : il ne se borne pas à dénoncer le mal, il met hardiment le doigt sur la cause. C’est lui qui a fait devant la chambre des lords cet aveu, le plus remarquable sans contredit et le plus complet que la nécessité ait jamais arraché à un membre du patriciat : « Le danger pour un grand pays tel que celui-ci, dans le temps où nous vivons, est l’accumulation de la propriété, jointe à l’extrême inégalité avec laquelle elle est répartie. » Mais, après des prémisses dont la témérité a dû inquiéter la chambre qui l’écoutait, voyez quelles conclusions impotentes : « Nous avons eu la preuve, dans ces dernières années, que l’impôt pesait de tout son poids sur ceux qui pouvaient le plus difficilement le supporter, et que les classes les plus opulentes n’étaient pas taxées dans la proportion de leurs moyens. En 1840, le chancelier de l’Échiquier, afin de rétablir l’équilibre dans les finances, proposa une augmentation de 5 pour 100 sur toutes les taxes de consommation, et de 10 pour 100 sur les taxes assises, taxes acquittées principalement par les classes qui étaient dans l’aisance. Dans le premier cas, la consommation ne se trouvant pas en état de supporter l’accroissement de l’impôt, il s’opéra une telle diminution dans les quantités imposées, que le produit n’augmenta que de 1 pour 100 ; dans le second cas, les riches étant seuls frappés, le revenu présenta sans difficulté une augmentation de 10 pour 100. Il eût été naturel de penser, quand nous avons établi l’income-tax, que cet impôt aurait pour effet de réduire les dépenses et la consommation du peuple ; mais, bien que l’income-tax pesât principalement sur les classes riches, sur celles qui acquittaient déjà

  1. Lord John Russell’s speech on the state of the country, august 1844.