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de la poudre de leurs perruques ; si la ménagère était violente, impérieuse, acariâtre, sans ordre, sans gaieté ; si au mois de novembre elle voulait que toutes les fenêtres fussent ouvertes et que l’odeur du chenil arrivât jusqu’à vous, ne vous croiriez-vous point parfaitement en droit de prendre un peu de plaisir ailleurs ? Voyons ! » Elle ramena au parti du duc jusqu’aux ménagères.

Il fallait surtout la voir contrefaire les vertus philanthropiques et les tendresses languissantes des couples sentimentaux alors à la mode en Angleterre sous l’influence de Kotzebue et d’Auguste Lafontaine. Elle jouait d’abord le mari en extase devant sa femme, et cette dernière pleine de langueur enthousiaste ; puis, dans un second acte, elle représentait l’un ayant des maîtresses, et l’autre des amans. Comme elle se permettait ces parodies en plein salon, ce rôle de bouffon de cour, adopté par la nièce de Pitt et soutenu avec une vivacité spirituelle de jeune fille, la faisait craindre comme la peste. On baissait la tête ; pensions, titres, dignités, projets, tout lui passait par les mains. Elle osait ce que son oncle aurait à peine osé, et souvent elle faisait justice. « Que pouvait donc vous dire un tel (membre du cabinet de Pitt), lui demanda un soir son oncle, avec ses longs discours au milieu du bal, son air animé et ses yeux en l’air ? — Il m’assurait sur ses grands dieux que la pension de la pauvre Sarah N… serait accordée demain. Vous savez l’intérêt, que je prends à cette pauvre créature et à ses dix enfans ; mais, comme je méprise le personnage, je ne l’ai pas même écouté, et je me suis réservé de vous parler de la chose. J’aime mieux puiser à la source. — Il vous disait cela ! Voilà qui passe toutes les bornes, s’écria Pitt. Ce même homme, il n’y a pas une heure, est venu me supplier de n’accorder aucune pension à Mme N… ! L’administration, dit-il, se trouverait forcée de nourrir les dix enfans. Il veut traîner la chose en longueur, si bien que l’on n’y pense plus. — Mon oncle, reprit Esther, il faut vous montrer. Donnez la pension à l’instant même. — Tout le monde est couché. Il n’y a plus personne à la trésorerie. — Si fait, j’aperçois une lumière. Faites venir M. Chinnery, qui doit y être encore. » On envoya chercher M. Chinnery, le distributeur des pensions. « La première chose que vous ferez demain matin, lui dit-elle, ce sera d’envoyer le brevet de pension à Mme N… N’est-ce pas, monsieur Pitt ? » Et la pension fut accordée.

Quand ce qu’elle voulait n’était pas exécuté, elle se vengeait cruellement. Lord Abercorn, qui désirait l’ordre de la Jarretière et l’avait inutilement sollicité de Pitt, auquel il avait de nombreuses obligations, se retourna vers Addington pour l’obtenir et l’obtint. « Je lui ferai