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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/96

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REVUE DES DEUX MONDES.

apporter au monarque des chars à quatre chevaux, des trônes magnifiques, des tables sculptées avec un art délicieux, ou bien des vases à tête de lion, des outres pleines d’or ou de vin, de petites villes portées au bout des doigts comme emblèmes de celles qui n’ont pu résister aux armes des Assyriens, et se sont reconnues tributaires du grand empire. Parmi tous ces personnages, le roi est remarquable par la somptuosité de son costume. Ce costume, qu’il porte seul, consiste en une tunique à manches courtes, dont le bas est orné de glands ; par-dessus est jeté un manteau superbe dont, si j’en crois quelques fragmens de couleur retrouvés, le fond était pourpre, semé de rosaces d’or. Ce manteau est garni de franges élégantes qui prouvent en faveur du goût ninivite. La tête auguste du monarque est coiffée d’une mitre élevée, conique, surmontée d’une pointe et ornée de bandes à rosaces, qui ont dû également être dorées. Ses bras sont entourés de bracelets et ses pieds chaussés de sandales ; dans sa ceinture passe une épée longue, droite, dont la lame est engagée dans une gueule de lion, et dont le fourreau est orné à son extrémité de deux petits lions couchés qui se tiennent embrassés. Le costume des gens de sa suite, plus simple, a cependant une grande élégance ; il consiste en de longues tuniques également à glands et à longues franges ; leur chevelure ou leur barbe, tressée et bouclée aussi soigneusement que celle du roi, prouve que la coquetterie la plus raffinée et la recherche la plus minutieuse dans la toilette étaient d’étiquette à la cour de Ninive. Ces processions, qui paraissent autant d’hommages allégoriques rendus à la puissance souveraine, couvrent jusqu’à 400 mètres d’étendue et décorent les façades extérieures.

Ce ne sont pas là les seuls ornemens de ces façades : les plus grandioses et ceux qui produisent le plus bel effet sont les gigantesques taureaux ailés, à tête humaine, coiffés d’une énorme tiare, qui ornent les principales portes d’entrée. Ces taureaux ont communément 5 mètres de hauteur sur autant de longueur. Leur poitrail épais, poilu, sur lequel descend une longue barbe frisée, s’avance sur la façade, en saillie de 1 mètre, et leurs corps, fuyant dans la porte, en forment les côtés, tandis que leurs ailes, développées en majestueux éventails, s’étendent jusqu’à la corniche. Ce taureau a servi de type à celui de Persépolis ; on le retrouve dans la mythologie des Perses sous le nom de kaïomars ou ghilchâh, roi de la terre, et il passe pour le fondateur fabuleux de la monarchie païchdaddienne. Chez la plupart des peuples de ces contrées, il est considéré comme emblème du Créateur, et il a ses analogues dans le bœuf Nandi des Indiens ou Apis