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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/966

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mixtes, les moukatadjis sont exclusivement chargés des affaires administratives et de la police. Ils seront les intermédiaires entre l’autorité de la Porte et le district : à la vérité, dans certains cas, leur action pourra être contrôlée par les vékils maronites ; mais ces derniers, réduits la plupart du temps à des fonctions municipales, n’auront jamais qu’une importance secondaire dans les localités.

D’autres dispositions règlent la perception des impôts, l’exécution des mesures de police, qui sont exclusivement confiées aux moukatadjis, et les cas où il sera permis au vékil d’intervenir. Tout ce mécanisme est bien délicat pour les mains qui devront le faire fonctionner ; il nous semble que le Druze continuera au tribunal de défendre le Druze, le chrétien de soutenir le chrétien, et que de la discussion les juges et les plaideurs en viendront très vite aux voies de fait. Pour dire toute notre pensée, le système des kaïmakans est une erreur de quelques hommes d’ailleurs bien intentionnés ; souhaitons donc qu’ils reconnaissent que l’arrangement de 1842 n’est pas praticable, et qu’ils cessent de s’agiter dans un cercle vicieux. Nous avons eu récemment l’occasion de recueillir sur cette affaire des renseignemens pris sur les lieux par des hommes qui ont vu et bien vu, et nous avons acquis la conviction qu’il y avait dans le statu quo des amours-propres engagés plutôt que des intérêts, et que l’étude de la question indique quelque chose de mieux que le système qu’on s’efforce de faire vivre. M. Guizot n’a-t-il pas déclaré, il y a deux mois, devant la chambre des pairs, que le seul moyen, selon lui, de pacifier le Liban était d’y rétablir l’ancienne administration nationale et chrétienne ? M. Guizot ajoutait qu’il n’avait pas renoncé à faire prévaloir cette opinion dans les conseils du divan. Il allait même jusqu’à dire que la France pouvait agir isolément dans les affaires de la Syrie, qu’elle n’était liée par aucun engagement avec les autres puissances, qu’elle n’avait pas abandonné son droit de protéger à elle seule les catholiques d’Orient, et qu’elle saurait exercer son protectorat dès qu’elle le jugerait nécessaire. Après une telle déclaration, nous doutons fort que M. le ministre des affaires étrangères puisse considérer la note du 28 juillet comme une concession suffisante aux intérêts des chrétiens du Liban, et comme un succès diplomatique dont la France ait à se glorifier.

La mission de Chékib-Effendi nous semble, avant tout, un attermoiement destiné à affaiblir l’écho que les derniers massacres ont eu en Europe. Nous désirons qu’elle ait d’autres résultats, et qu’il ne faille pas recourir aux coups de fusil pour imposer aux populations le gouvernement dont il s’agit. L’opinion publique accuse les pachas turcs en Syrie de toute autre chose que d’incapacité lorsqu’ils ont aidé les Druzes à saccager les villages chrétiens. On concevrait en effet que les autorités de Syrie eussent mis de la lenteur à séparer les combattans, on pourrait expliquer leur conduite par l’absence d’instructions, par le manque de décision ; mais c’est pousser l’incapacité bien loin que de recevoir de Constantinople des instructions favorables aux chrétiens et de fusiller ces mêmes chrétiens de compte à demi avec les Druzes. Les