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démonstrations de sympathie que la Porte prodigue aux populations chrétiennes dans ses notes officielles ne doivent pas trop faire perdre de vue le contraste qui existe souvent entre son langage et les faits. À ce propos, il est important de ne pas laisser tomber dans l’oubli l’assassinat du prêtre tué dans le couvent latin d’Abeil. C’est fait de nos missions et du prestige nécessaire au costume européen, si ce crime, jusqu’à ce jour sans exemple, n’amène pas promptement l’exécution du coupable. C’est, d’ailleurs, rendre un véritable service à la Turquie que de lui donner le sens moral et d’apprendre aux autorités locales à ne pas se mettre du côté des meurtriers.

La note du 28 juillet recommande aux habitans des villages mixtes de ne chercher d’autre appui que celui de la Porte, et de ne pas s’adresser aux consuls des puissances. Elle invite en outre ces agens à s’abstenir de toute intervention publique ou secrète. Si quelqu’un doit profiter de cet avertissement, c’est l’Angleterre, dont le consul à Beyrouth n’a pas craint d’exciter publiquement l’insurrection des Druzes, et de les soulever contre des chrétiens ! Quant aux agens de la France en Orient, leur conduite n’a mérité depuis long-temps que des éloges. L’énergie, le courage, l’humanité qu’ils ont montrés, leur ont valu les plus nobles témoignages de l’estime publique. Ils n’ont usé de leur influence que pour défendre des populations opprimées et pour arrêter l’effusion du sang. Espérons que cette légitime influence ne leur sera pas enlevée, et que notre gouvernement saura la garantir contre toute atteinte.

Une nouvelle crise agite en ce moment la Grèce. Depuis plusieurs mois, la violence des partis, les menées révolutionnaires, l’importance des questions soulevées devant les chambres, tout présageait un combat décisif, où l’avenir du gouvernement serait enjeu. Ce combat vient d’être livré. Heureusement, la cause nationale est sortie victorieuse de cette lutte, qui a déjoué tous les calculs de l’ambition et de l’intrigue. M. Coletti, attaqué par une coalition, a triomphé de tous ses adversaires. Resté seul maître du pouvoir, il semble résolu à braver toutes les difficultés de sa situation. Il puise de nouvelles forces dans le sentiment de ses devoirs, qui s’accroissent avec sa responsabilité.

Il eût été bien difficile que l’organisation du saint synode ne devînt pas pour M. Coletti et pour le gouvernement de la Grèce une redoutable épreuve. On sait comment les esprits, en Grèce, sont divisés sur cette question. Le parti napiste, autrement dit le parti russe, fidèle aux traditions de M. Capo-d’Istria, veut la prépondérance de l’église dans l’état. Les plus exagérés du parti vont même jusqu’à réclamer un changement de dynastie, vu que le roi actuel est catholique, et que ses intérêts religieux sont en opposition avec ceux de l’église orthodoxe. Or, sur ce terrain, M. Coletti, chef du parti national et dynastique, devait nécessairement rencontrer parmi ses adversaires M. Metaxas, chef du parti napiste. En outre, il devait supposer que la loyauté et la bonne foi seraient des liens bien faibles, dans une pareille circonstance, pour enchaîner l’opposition de M. Mavrocordato. En effet, M. Mavrocordato