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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/968

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n’a pas hésité ; il a sacrifié ses principes à l’espoir de renverser le cabinet ; il a uni ses efforts à ceux de M. Metaxas pour faire triompher un système qu’il a autrefois combattu ; il a donné ouvertement la main au parti russe. M. Coletti, abandonné à lui seul, eût succombé devant cette coalition puissante, s’il n’eût appelé à son aide toutes les ressources de son esprit et de son courage.

Trois questions ont dominé le débat. Il s’est agi d’abord de déterminer quelle serait la situation du chef de l’église ; par qui serait nommé le président du saint-synode ; quelle serait sa place dans l’état. Le parti papiste voulait qu’il fût élu par l’assemblée des archevêques et des évêques. C’était faire du clergé un pouvoir indépendant, et changer les destinées de la Grèce, en provoquant, dans un avenir plus ou moins éloigné, le renversement de la dynastie. Les napistes et les mavrocordatistes ont soutenu de tous leurs efforts cette proposition audacieuse, qui a heureusement échoué, grace à la fermeté de M. Coletti et à la sagesse du parti national. Malgré cette défaite, l’opposition a essayé de ressaisir l’avantage sur d’autres points ; mais toutes ses tentatives ont été repoussées. Le parti papiste voulait que le mariage fût exclusivement soumis à l’autorité spirituelle, qui aurait ainsi disposé du sort des familles : la chambre a décidé que le mariage serait à la fois un sacrement et un acte civil, soumis par conséquent à l’autorité temporelle. L’opposition demandait une pénalité excessive contre les prêtres qui renonceraient à leurs vœux ; la chambre a refusé de prononcer une peine contre ces infractions, qu’elle a abandonnées aux châtimens spirituels de l’église.

Après une pareille lutte, il était évident que la situation de M. Metaxas était gravement modifiée. Soit qu’il n’eût suivi que les impulsions de sa conscience, soit qu’il eût trempé dans une intrigue, il ne pouvait plus être le collègue de M. Coletti. Aussi, après une réconciliation plus apparente que sincère, l’association ministérielle a été définitivement rompue. M. Coletti ayant fait entrer quinze nouveaux membres dans le sénat, afin d’enlever la majorité à M. Mavrocordato, M. Metaxas a saisi ce prétexte pour offrir sa démission, qui a été acceptée.

Nous applaudissons à la victoire remportée par M. Coletti. C’est le triomphe du patriotisme sur l’influence étrangère, de la loyauté sur l’intrigue, des idées libérales sur les idées rétrogrades, de la vérité et du bon sens sur l’ignorance et la passion, égarées par des menées perfides. Appuyé sur la majorité dans les deux chambres, investi de la confiance du trône, fort de la droiture de ses sentimens et de la légitimité de sa cause, M. Coletti a de puissans moyens pour se maintenir au pouvoir. Il serait difficile, néanmoins, d’apprécier dès à présent la véritable force de sa situation. On ne sait pas encore l’attitude que prendra M. Metaxas. Nommé ministre à Constantinople, il a demandé plusieurs jours pour réfléchir sur le parti qu’il avait à prendre, et l’on ne connaît pas encore sa décision. Enfin, on ignore le contre-coup des derniers évènemens sur les cabinets étrangers. Dieu veuille que l’Angleterre, dans ces conjonctures critiques pour le gouvernement de la Grèce, comprenne