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imminente. La diète a clos ses séances, dont le seul effet, comme on devait s’y attendre, a été d’augmenter l’irritation des esprits. Les partis mesurent leurs forces, qui malheureusement se balancent d’une manière à peu près égale. On a dit que M. Rossi avait reçu la mission de négocier près du saint-siège l’affaire des jésuites de Lucerne. Ce bruit n’est pas fondé. Il est possible que l’habile diplomate se soit entremis officieusement pour chercher un moyen de terminer cette déplorable affaire ; mais aucune mission de ce genre ne lui a été confiée. Loin de là ; si nous sommes bien informés, toute action sérieuse du gouvernement français dans les affaires de Suisse aurait cessé depuis six mois. On doit croire que notre cabinet, sentant l’impuissance de ses efforts, a pris le parti de rester immobile.

Le ministère espagnol vient d’échapper à une nouvelle crise. Depuis long-temps les mesures financières de M. Mon entretenaient une vive exaspération dans la capitale. Le nouveau système d’impôts et la restitution au clergé des biens non vendus avaient soulevé d’unanimes attaques dans la presse. Abandonné par les organes du parti modéré, le ministère Narvaez était réduit, pour se défendre, à employer des récriminations officielles, qui compromettaient la dignité et l’ascendant du pouvoir. Les partis extrêmes ont pensé que le moment était favorable pour tenter un coup de main ; mais leurs projets ont été déjoués par la vigueur du gouvernement. Un fait honorable pour la presse espagnole, c’est que les organes du parti modéré, voyant que leur opposition consciencieuse était indignement exploitée par les ennemis de la cause constitutionnelle, ont aussitôt changé de langage, et se sont ralliés sincèrement au cabinet. Cette conduite loyale et désintéressée prouve qu’il y a en Espagne un parti d’ordre et de gouvernement résolu à défendre la monarchie constitutionnelle jusqu’au bout, et à ne jamais pactiser avec l’anarchie.

Malheureusement le cabinet Narvaez, entraîné dans de mauvaises voies, commet souvent des fautes regrettables qui irritent contre lui les opinions les plus bienveillantes. Ainsi, sans parler des mesures financières qui concernent l’Espagne, comment, ne pas déplorer le préjudice que causeront à la presse française les nouvelles dispositions postales arrêtées le 15 août dernier ? D’après l’ancien tarif, déjà rigoureux, chaque feuille d’impression payait 8 centimes pour aller de Paris à la frontière, et circuler librement en Espagne. La Revue payait par numéro 56 centimes. D’après les nouvelles dispositions, les imprimés publiés périodiquement paieront, selon le poids, la moitié du prix fixé pour les lettres. Le poids de la lettre simple est arrêté à 6 demi-drachmes (à peu près 10 grammes), et le prix à 27 centimes. Le poids du numéro de la Revue des Deux Mondes étant de 250 grammes, il en résulte qu’il lui faut, pour circuler dans la Péninsule, acquitter la taxe de 3 francs 37 centimes, qui, ajoutée au chiffre de 28 centimes, prix du transport de Paris à la frontière, atteint la somme énorme de 3 francs 95 cent. par numéro ! Les conséquences nécessaires d’un tel arrêté, s’il était mis sérieusement en vigueur, seraient de diminuer considérablement, sinon de