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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/973

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rendre impossible la circulation des recueils périodiques en Espagne. Est-ce là le but que s’est proposé le gouvernement constitutionnel de Madrid ?

Cette question du tarif espagnol pour le transport des revues nous rappelle des difficultés d’une autre nature que ce service rencontre du côté des postes anglaises. Nous avions cru que la dernière convention postale conclue entre l’Angleterre et la France, bien que très rigoureuse pour les recueils périodiques, serait modifiée dans le sens des intérêts littéraires des deux pays. Il n’en est rien. Loin d’ouvrir de plus larges débouchés aux publications vraiment littéraires et scientifiques, on semble prendre à tâche de leur opposer des obstacles de jour en jour renaissans. Pour montrer jusqu’où va le mauvais vouloir de l’office des postes britanniques envers la presse française, nous devons dire que les agens de cette administration refusent de surveiller le transport des recueils périodiques aux Indes, en Amérique, aux colonies françaises et anglaises, par les paquebots transatlantiques. Il arrive ainsi que les numéros de revues françaises qui, depuis quelque temps, profitaient de la voie rapide des bâtimens à vapeur, mettent maintenant deux et trois mois à parcourir un trajet qu’ils auraient pu faire en quinze jours. Est-ce là, nous le demandons, cette réciprocité de bons procédés tant préconisée dans la convention postale du 3 avril 1843, et la France ne doit-elle pas faire entendre à nos voisins que, si elle s’impose des sacrifices pour garantir leurs intérêts sur le continent, il est bien juste que de leur côté, dans le service de mer, ils veillent un peu sur les nôtres ? M. le ministre des affaires étrangères nous permettra de lui recommander cette question, qui intéresse à un haut degré les amis des sciences et des lettres.

Parmi les questions du jour qui font l’objet de la polémique de la presse, il en est une que le ministère envisage avec une certaine inquiétude : c’est celle qui concerne le maréchal Bugeaud. On savait depuis long-temps que de profonds dissentimens séparaient le maréchal et le ministère. En dernier lieu, à propos de l’organisation civile de l’Algérie, et au sujet de l’expédition de la Kabylie, il s’était élevé entre le maréchal gouverneur et le président du conseil, ministre de la guerre, des contestations dont la vivacité n’avait été un secret pour personne. On n’a donc pas été surpris, il y a peu de jours, d’apprendre par les journaux d’Afrique que le maréchal allait revenir en France, et qu’il prendrait un congé de plusieurs mois.

Avant de quitter l’Algérie, le gouverneur a adressé aux généraux placés sous ses ordres une circulaire relative aux essais de colonisation militaire. Dans cette circulaire, le maréchal annonce qu’il a lieu de regarder comme très prochain le jour où ces essais pourront être entrepris, et il ordonne de faire connaître aux soldats les bases de l’institution. Cette circulaire, comme on sait, a été violemment attaquée. Elle a été le texte des accusations les plus étranges. On a comparé le maréchal Bugeaud à un pacha révolté. On a appelé sur lui la colère du gouvernement et des chambres. Pour nous, nous avons beau relire ce document, nous ne pouvons y découvrir les attentats énormes qui excitent tant d’indignation et tant d’alarmes. Pense-t-on que le maréchal Bugeaud ait voulu distribuer des terres à ses soldats, comme le ferait