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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/974

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un conquérant barbare, et qu’il ait eu la pensée de coloniser l’Afrique sans le consentement du gouvernement et des chambres ? Il n’était pas autorisé, dit-on, à écrire sa circulaire. Qu’en sait-on ? Tant que le ministère ne se sera pas expliqué nettement sur ce point, on doit croire qu’il est aussi embarrassé que le maréchal lui-même, et la justice veut, au moins provisoirement, que l’on n’accuse ni l’un ni l’autre.


Rome et Naples, par M. Paul Drouilhet de Sigalas. — Parcourir l’Italie, c’est pour plus d’un voyageur se donner le plaisir vulgaire des gens oisifs et ennuyés qui aiment à dire qu’ils ont vu Rome, Florence, Naples, Venise, et qui, à ce propos, cousent ensemble, du mieux qu’ils peuvent, quelques morceaux d’érudition devenue banale ; pour M. de Sigalas, la terre illustre a été le sujet de méditations plus sévères. Il a voulu donner à son livre une couleur poétique et une unité très marquée, en ne prenant l’Italie que comme un cadre ; le vrai sujet, c’est sa propre histoire, l’histoire de son ame, de sa pensée, qui se modifient sensiblement au contact de ce pays si riche en souvenirs. L’auteur quitte la France, l’esprit rempli de ces doutes trop communs dans ce siècle ; il va en Italie ; et l’Italie lui rend la foi, la vie de l’ame : miracle assez grand assurément ! Il serait bien à désirer qu’elle se la rendît à elle-même. Telle est l’idée générale du livre, l’idée qui finit par triompher, telle est la conclusion qui nous est donnée. Rome et Naples se divise en plusieurs parties, qui toutes n’ont pas un égal mérite ; la plus remarquable est celle qui traite des arts, de la poésie. On ne peut en dire autant de la partie philosophique, un peu prétentieuse, et qui est l’œuvre d’un esprit mal préparé à traiter de telles matières. Le morceau sur la femme, sur la chute et la rédemption, qui est une paraphrase de la Genèse, des prophètes et du Nouveau Testament, ne contient guère d’idées nouvelles, et n’est qu’une étude de style faite sur les livres saints. M. de Sigalas y a-t-il songé, lorsqu’il fait exclusivement des idées catholiques la sauvegarde de la femme dans les sociétés modernes et de son autorité dans la famille, quand il met la religion protestante au même rang que le mahométisme et les religions païennes pour la manière d’envisager le rôle de la femme ? Ce sont de pures fantaisies, qui ne peuvent être regardées comme un jugement sérieux. Il en est de même de l’épilogue, où l’auteur fait en quelque sorte le bilan du catholicisme et de la philosophie. M. de Sigalas croit que s’il y a de l’égoïsme en nous, si nous nous éloignons de toutes les idées de moralité humaine et de fraternité, c’est que la philosophie a desséché nos cœurs, a tué en nous ces principes vivifians dont la source unique serait à Rome, au Vatican. C’est, comme on voit, une grande question, et nous ne croyons pas que M. de Sigalas l’ait résolue. Si la raison humaine avait abdiqué ses droits, comme vous le lui conseillez, comment la pourriez-vous aujourd’hui combattre avec ses propres armes ? Cependant, il faut le dire, à un certain point de vue cet épilogue contient des pages vraiment éloquentes. En résumé, si l’auteur de Rome et Naples veut aller plus avant dans la voie philosophique, il faut qu’il se livre à de nouvelles et profondes études, qui éclaireront de plus en plus son esprit et élargiront son horizon.


V. de Mars.