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à l’objet des fonctions pour lesquelles ils sont exigés. Enfin, le stage favorise une double équivoque, si l’on peut ainsi s’exprimer, On y admet aisément et sans preuve, parce qu’il n’est qu’un essai, et l’on nomme ensuite aux emplois ceux qui l’ont accompli, parce qu’ils y ont consacré déjà un temps plus ou moins long et des travaux plus ou moins suivis, dont on s’empresse de leur tenir compte. Nous convenons pourtant que le concours a l’inconvénient de constater exclusivement la capacité scientifique et de laisser de côté les raisons morales d’aptitude. Nous souhaiterions qu’il ne fût adopté qu’avec le droit conféré à l’administration, comme elle l’exerce déjà pour l’École Normale et l’École Forestière, de dresser préalablement la liste de ceux qui y seraient admis, ou bien que, si le système des examens prévalait, des dispositions formelles en déterminassent impérativement les formes et les conditions, de manière à les rendre sérieux et décisifs.

Au total, la carrière des armes, celles des ponts-et-chaussées, des mines et de l’enseignement sont les seules dans lesquelles un noviciat complet ait été organisé par la loi. Dans les administrations financières, les jeunes candidats sont choisis avec soin et soumis à des épreuves, mais aucune disposition légale n’a assuré de la fixité aux règles établies. Par la loi de finances de 1844, la chambre des députés avait exigé une organisation nouvelle des administrations centrales, mais aucun effort sincère n’a été fait pour en préparer le recrutement. Dans le chaos des règlemens arrêtés par chaque ministre, dans ceux que chaque régie des finances a composés d’après les données successives de l’expérience, on ne trouve ni unité, ni ensemble. On s’aperçoit aisément qu’aucune pensée directrice n’a présidé à ces mesures. Il est urgent que cette confusion disparaisse. Elle nuit au service et blesse nos habitudes de régularité et de simplicité. Enfin, la diplomatie et l’administration proprement dite sont restées en dehors de toutes les règles établies dans les autres services ; l’entrée de la magistrature elle-même n’est garantie par aucune précaution suffisante. Disons quelques mots sur ces lacunes.

La vénalité des offices de judicature, si pernicieuse à beaucoup d’égards, avait au moins le mérite de constituer des familles de magistrats en qui se perpétuaient avec la toge les plus saintes traditions de science, de sagesse et d’amour de la justice. La révolution de 1789 supprima la vénalité, institua le régime électif, et brisa ainsi toute carrière dans cet ordre de fonctions. Après avoir ressaisi le droit de pourvoir à tous les emplois de magistrature, l’empereur considéra la création d’un noviciat comme le couronnement du nouvel établissement judiciaire.