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Le langage du gouvernement dans le rapport soumis à l’approbation du conseil supérieur est d’une fermeté remarquable. Le gouvernement réclame l’obéissance aux lois et aux autorités constituées. Il annonce qu’il usera d’une grande sévérité contre les violences de la presse. Il menace de dissoudre la société populaire. Il déclare que cette société, dont le but est de renverser la constitution fédérale de la Suisse, poursuit une entreprise illégale, factieuse, contre laquelle il faut prendre des mesures énergiques. Violer le pacte, ce serait, dit le rapport, précipiter la Suisse vers des abîmes. Ainsi, le chef des cantons révolutionnaires de la Suisse prêche aujourd’hui la légalité, l’ordre, la conservation, et le plus redoutable ennemi du fédéralisme en est devenu momentanément le défenseur.

Nous avons déjà expliqué le secret de cette métamorphose. Depuis la défaite des corps francs, le gouvernement de Berne, livré aux passions radicales qu’il avait lui-même excitées, se voyait menacé dans sa propre existence. Le radicalisme ; battu devant Lucerne et violemment refoulé sur son point de départ, était devenu un objet de terreur pour ceux qui l’avaient imprudemment déchaîné. La société populaire, où étaient concentrées toutes les tendances anarchiques préparait ouvertement une révolution dans le canton de Berne, pour s’emparer du pouvoir, et marcher contre Lucerne à la tête des cantons radicaux. Encore quelques jours, le gouvernement de Berne, emporté par la tempête qu’il avait soulevée, aurait pu expier cruellement les torts de sa politique ambitieuse. Heureusement pour lui, il a vu les dangers qui le menaçaient, et il a su les prévenir par une résolution énergique.

Une circonstance paraît avoir influé particulièrement sur la décision du gouvernement de Berne c’est la découverte d’une conspiration communiste, secrètement associée au mouvement radical. Le gouvernement bernois, son rapport le déclare, avait à craindre une révolution sociale en même temps qu’une révolution : politique. La découverte importante qui a eu lieu récemment dans le canton de Neufchâtel confirme d’ailleurs cette déclaration. Déjà, il y a quelque temps, la police de Neufchâtel avait signalé l’existence de nombreux clubs communistes. Guidée par ces premiers indices, elle vient de mettre la main sur une vaste association, dont les papiers ont été saisis et les principaux chefs arrêtés. Cette association est une propagande secrète de la jeune Allemagne. Organisée en confédération comme la Suisse, elle porte le titre, de confédération du Léman ; son chef-lieu est Lausanne. Elle professe l’athéisme et les principes les plus subversifs. Son but est de renverser l’ordre religieux, social et politique de l’Allemagne. Elle a des affiliations dans toute la Suisse et dans les états voisins. Elle poursuit ses projets avec une ardeur et une activité prodigieuses.

Comment de si graves dangers n’auraient-ils pas enfin ouvert les yeux aux hommes les plus entraînés dans le mouvement politique de la Suisse, et en premier lieu au gouvernement de Berne, le plus puissant de tous les cantons, le plus populeux, le plus riche, et celui par conséquent qui aurait le plus à