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redouter pour lui-même les suites d’une révolution sociale ? Aussi, depuis que la société de la jeune Allemagne a été découverte, l’impulsion donnée par le gouvernement de Berne a été rapidement suivie. L’esprit de réaction a gagné les cantons radicaux, et des manifestations significatives ont eu lieu en faveur des principes d’ordre et de conservation. Dans la conférence de Zug, par exemple, plus de cinquante catholiques des plus ardens, rassemblés au nom du parti ultramontain, Ont déclaré qu’en présence des circonstances nouvelles, le devoir des cantons était de protéger la paix professionnelle, et le parti protestant s’est empressé d’adhérer à cette déclaration. Ainsi, en quelques jours, la situation de la Suisse a complètement changé. Les passions politiques et religieuses se sont calmées en présence d’un danger commun : tout a été oublié pour faire face la jeune Allemagne.

Que deviennent maintenant les jésuites de Lucerne ? On dit qu’ils seront installés dans leur collège, mais qu’ils n’y resteront pas. Depuis que le gouvernement a pris l&rsquo ; engagement de s&rsquo ; en tenir aux moyens légaux contre les jésuites, le parti catholique de Lucerne est devenu moins exigeant, et l’on peut espérer désormais que les sages conseils des gouvernemens étrangers ne trouveront plus en lui une forte résistance.

Grace à l&rsquo ; exemple donné par le gouvernement de Berne, la Suisse peut donc, en ce moment, inspirer quelque confiance aux états de l’Europe. Il est arrivé en Suisse ce qui arrive dans la plupart des crises politiques ; le bien y est venu de l’excès du mal, et l’ordre y a été rétabli au moment où l’on pouvait se croire à la veille d’une catastrophe effroyable. Il ne faudrait pas, cependant, exagérer la portée des derniers évènemens. Il ne faudrait pas croire que Berne ait renié sa politique passée, que l’esprit fédéral ait triomphé de l’esprit unitaire, que l’implacable ennemi du pacte ait résolu de maintenir l’ancienne constitution helvétique. Le gouvernement de Berne, il ne faut pas l’oublier, ne défend la constitution de la Suisse que pour se défendre lui-même. Il n’invoque la garantie des lois en faveur du pacte fédéral que pour protéger du même coup sa constitution menacée. Toutefois, avant que la politique de Berne puisse revenir à ses anciennes traditions, il se passera du temps, un temps précieux, que la Suisse et l’Europe pourront mettre à profit dans l’intérêt de l’avenir. Après avoir déclaré la guerre à l’anarchie, Berne ne peut pas, du jour au lendemain, réveiller l’esprit révolutionnaire, et organiser une nouvelle ligue pour faire réussir ses projets ambitieux. Pour que le gouvernement de Berne en vienne là, il faut au moins que les mouvemens populaires ne lui inspirent plus de crainte pour lui-même ; or, selon toutes les apparences, c&rsquo ; est ce qui n’arrivera pas de si tôt. Le chemin est donc ouvert à la diplomatie, et rien ne l’empêche, dès à présent, de chercher les meilleurs moyens de terminer en Suisse les difficultés graves qu’elle n’aurait pu résoudre quand les cantons avaient les armes à la main.

Le gouvernement a publié les dépêches de M. Romain-Desfossés sur l’affaire de Tamatave. Il résulte de ces dépêches que notre marine, engagée dans une lutte inégale, a fait des pertes sensibles. Le commandant de la sta-