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principe pour lequel la vieille comme la nouvelle Angleterre a si souvent combattu.

Quoi qu’il en soit, après quelques escarmouches sans importance, lord Elliott, au nom du gouvernement proposa deux bills pour régler en Irlande la franchise parlementaire et municipale. Personne ne peut avoir oublié qu’en 1841 lord Stanley, d’accord avec sir Robert Peel, chef de l’opposition tory, avait proposé un bill destiné, disait-il, à réprimer les fraudes, supprimer les abus qui, dans la confection des listes électorales en Irlande, déplaçaient la majorité et faisaient la force du parti catholique. Vivement soutenu par les tories, non moins vivement combattu par les whigs, par les radicaux, surtout par les Irlandais catholiques, ce bill, on s’en souvient, finit par obtenir une majorité de 3 voix, et devint la cause décisive du fameux budget whig, de la dissolution, et de l’avènement des tories. Il y avait donc lieu de s’étonner que ceux-ci, maîtres d’une majorité considérable, eussent, pendant trois sessions, ajourné une mesure si juste, selon eux, et si nécessaire, une mesure, qui devait rétablir la vérité, la sincérité, la pureté des élections. On s’étonna plus encore quand, au lieu de cette mesure toute répressive, toute restrictive, lord Elliott en annonça une qui devait étendre la franchise et la consolider. Sans entrer dans aucun détail, il suffit de dire que le bill Elliott avait pour but : 1° d’introduire en Irlande quelques-unes des formes anglaises, et notamment de réduire à un et à deux jours le temps des élections ; 2° de désaffranchir, à l’expiration de l’enregistrement actuel, c’est-à-dire au bout de huit ans, 25,000 électeurs dont le droit paraissait frauduleux ou mal établi ; 3° de créer 50,000 électeurs nouveaux, d’une part en admettant à voter tout fermier d’une propriété évaluée à 30 liv. sterling de revenu, de l’autre en conférant la franchise électorale à toute personne, même non résidente, ayant sur une propriété foncière quelconque un intérêt Perpétuel de 5 liv. sterling. Le bill sur les élections municipales, qui fut présenté quelques jours après, dérivait de la même pensée, et avait avec l’autre beaucoup de points de ressemblance.

Après avoir proclamé, comme sir Robert Peel venait de le faire, la nécessité absolue d’établir une égalité substantielle entre les franchises électorales des deux pays, c’étaient là des mesures bien incomplètes. Néanmoins l’intention paraissait bonne, et cela suffit pour qu’au premier moment le bill Elliott fût accueilli favorablement par les whigs et froidement par les tories. Malheureusement, en y regardant de près, on s’aperçut que ce bill placerait dans la main des propriétaires