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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/713

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grande partie de fonctionnaires richement salariés, il ne représente donc une très imparfaitement le peuple bernois, qui semblerait plutôt vouloir donner son vote de confiance, du moins dans certains districts, aux chefs des corps-francs et aux ultra-radicaux. D’un autre côté, ces derniers se signalent par d’étranges violences, et renient leurs chefs les plus renommés, quand ceux-ci ne partagent pas toutes leurs illusions. C’est ainsi que les radicaux s’affaibliront eux-mêmes, et qu’on peut espérer voir par leurs fautes grossir le vrai parti libéral.

Si nous jetons les yeux sur le monde de la Bourse et de la Banque, nous trouverons la scène un peu changée. À la faveur exagérée qui se portait, il y a quelques semaines, sur les promesses d’actions de chemins de fer, a succédé une réaction vive : ni l’approche des adjudications des chemins de Strasbourg et de Tours à Nantes, ni l’annonce des adjudications de Creil à Saint-Quentin et de Lyon n’ont pu rendre aux négociations l’activité dont nous avons eu le spectacle. Néanmoins ce découragement passager ne change rien à la nature des choses ; ces grandes entreprises, si elles sont loyalement conduites, gardent toujours leur véritable caractère. Malheureusement les besoins de la fin de l’année se font déjà sentir, et l’argent, sans être devenu plus rare, se resserre. Il faut aussi tenir compte des ventes nombreuses réalisées à la Bourse de Paris par des capitalistes anglais qui se trouvaient trop engagés. C’est en Angleterre beaucoup plus qu’en France que l’argent est fait rare momentanément, parce que l’état de la récolte et les craintes qu’elle a inspirées ont effrayé les esprits et paralysé les opérations. Toutes les compagnies de Strasbourg ont tenu une sorte de congrès chez M. de Rothschild, que d’une voix unanime on a mis à la tête d’une fusion regardée comme nécessaire. Dans cette fusion, trois compagnies principales doivent entrer chacune sur le pied de 20 pour 100. Les autres compagnies y sont comprises dans la proportion de 5 pour 100. M. de Rothschild désirait cinquante mille actions, on lui en a attribué vingt-cinq mille. Pour le chemin de Tours à Nantes, plusieurs compagnies n’avaient pas leur capital ; elles ont eu recours à de puissantes maisons de banque, qui ont versé chez elles l’appoint qui leur manquait. Nous ne voulons pas croire facilement à une crise qui compromette sérieusement le commerce et l’industrie ; toutefois nous regrettons que le ministre placé à la tête des travaux publics ne se soit pas préoccupé davantage de la situation des affaires à la fin de l’année, et n’ait point, par une sage prévoyance, avancé l’époque des adjudications qui se préparent. On peut juger, par le peu de rapidité des remboursemens du chemin du Nord, de la lenteur avec laquelle les capitaux se dégageront pour servir aux besoins du mois de décembre et du mois de janvier. En embrassant, il y a quelques mois, toute la situation d’un coup d’œil juste et sûr, il eût été possible de prévenir une partie des inconvéniens qui viennent embarrasser la marche de grandes opérations utiles au pays.