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belais et de Sterne manipulés au fond d’un laboratoire allemand par le plus singulier des alchimistes. M. Foerster a réuni pour ce sabbat, pour ce charivari, les plus curieux fragmens qu’il ait rencontrés dans le portefeuille de Jean-Paul. Nous n’avons donc pas, à vrai dire, l’ouvrage du célèbre humoriste, le livre qu’il méditait et que nous avons vu annoncé si plaisamment tout à l’heure ; c’est une main étrangère qui a fait ce recueil, et elle l’a revêtu d’un titre imaginé par Jean-Paul pour un livre qui n’existe pas.

Telle qu’elle est, toutefois, la publication de M. Foerster ne manque pas d’intérêt. Si ce n’est un roman par l’auteur d'Hesperus et de Siebenkaes, c’est du moins un supplément curieux aux fantaisies du poétique écrivain. Les fragmens rassemblés par M. Foerster sont de tout genre ; il y en a de gais, il y en a de sérieux ; il y a des bouffonneries intrépides et à côté de très graves méditations. Un des morceaux les plus vifs est celui qui porte ce titre : Seconde partie de la comédie bavaroise. La plaisanterie de Jean-Paul s’y émancipe plus que jamais et part au galop, la bride sur le cou : l’auteur veut tracer une sanglante satire de Munich, et sa verve hardie ne recule pas devant les plus cyniques inventions. Tournez la page, vous trouverez quelque série de maximes sur les sujets les plus sévères. Puis, ce sont continuellement les titres bizarres, les étiquettes extravagantes que Jean-Paul affectionne, plumes de l’aile, plumes de la queue, etc. Malgré cette variété singulière, peut-être trouvera-t-on que la préface citée plus haut n’est pas complètement justifiée. C’est à Jean-Paul surtout qu’il faut appliquer le mot spirituel de M. Royer-Collard : « On s’attend à de l’imprévu. » Ici, on devait s’y attendre doublement après les promesses de la préface. Certes, si Jean-Paul eût composé lui-même ce dernier ouvrage, s’il eût pu conduire en personne ce sabbat, ce charivari, cette danse éperdue dont il parle, la scène eût été plus vive et plus étourdissante. Remercions cependant l’habile éditeur à qui nous devons cette communication précieuse, et espérons que ce ne sera pas la dernière.



LES VOISINS, par Frédérique Bremer, traduit de l’allemand sur la seconde édition[1]. — Le nom de Mlle Bremer, à peine connu en France, est depuis long-temps célèbre en Angleterre et en Allemagne. Chaque production nouvelle de l’écrivain suédois retrouve à Berlin et à Londres les lecteurs empressés qui l’ont accueillie à Stockholm. La renommée de l’auteur des Voisins a passé les mers, et il n’est pas à cette heure de romancier plus goûté aux États-Unis. Un succès si général pourrait nous surprendre si nous cherchions à l’expliquer par des causes purement littéraires. On remarque, il est vrai, dans les romans de Mlle Bremer, un mélange peu commun de finesse et de grace, d’enjouement et de sensibilité ; une ame tendre et sérieuse a

  1. Deux vol. in-18, chez Waille, rue Cassette.