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il ne trouve pas autour de lui la satisfaction de ses premiers besoins ; aussi une disette de céréales a-t-elle été, dans tous les temps, singulièrement menaçante pour la paix publique. Si l’histoire générale n’avait pas été le plus souvent écrite par des rhéteurs, si les faits les plus intéressans de la vie des peuples n’y avaient pas été, pour la plupart, défigurés ou mutilés, s’il était possible enfin d’y retrouver entiers les élémens d’une histoire particulière du sujet qui nous occupe, nous avons foi qu’il sortirait de cette histoire de curieuses révélations. On y verrait que la chute ou la restauration des empires a dépendu quelquefois d’une simple question de subsistances, et que les révolutions des états ont été fréquemment, sinon déterminées, au moins tournées à mal, par la détresse d’un peuple manquant de pain. Sans consulter les faits anciens, souvent obscurs, on peut voir que les faits les plus modernes répondent tous à cette idée. C’est dans un temps de famine que l’ancienne monarchie française s’écroule. Tous les gouvernemens éphémères que la révolution enfante périssent tour à tour au milieu de circonstances semblables. L’empire, au contraire, se lève radieux au sein d’un peuple rassuré par d’abondantes récoltes, et tout sourit d’abord à son audace ; mais, plus tard, l’embarras des subsistances renaît, et trois récoltes insuffisantes semblent préparer de loin sa chute. Pareille, ou peu s’en faut, est l’histoire de la restauration, et il n’est pas déraisonnable de dire que le régime actuel, d’abord si menacé dans les jours de disette qui succèdent à la révolution de 1830, et bientôt après si raffermi, a subi dans un sens contraire l’influence du même principe. Qui sait si nous ne verrons pas, de nos jours, la constitution britannique, cette constitution célèbre qui a fourni, aux yeux de l’Europe étonnée, une carrière si longue et, à certains égards, si glorieuse, venir se briser contre les lois-céréales, que l’on regarde parfois, et si mal à propos, comme son plus ferme appui ? Ce serait assurément tronquer l’histoire que de rapporter à cette seule cause les grandes révolutions des états ; mais il n’est pas permis non plus d’en méconnaître la redoutable influence, et, s’il est vrai que jamais une disette de céréales n’a été la cause déterminante d’une crise politique, elle a toujours été du moins une circonstance aggravante qui, en envenimant une crise d’abord légère, l’a conduite bien souvent aux catastrophes.

Comme il n’y a point de matière qui ait été plus souvent réglementée par les lois, il n’y en a point aussi qui soit devenue, de la part des publicistes, l’objet de plus fréquentes discussions ou de plus laborieuses recherches. Vers le milieu du dernier siècle, elle suscita en