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de patentés, a doublement restreint l’influence que la propriété foncière avait acquise : tant il est vrai que les restrictions mises à l’importation des grains étrangers ne sont au fond qu’une inspiration du parti des propriétaires du sol, et sont comme liées à sa destinée politique.

L’exemple de la Belgique confirme hautement cette vérité. Tant que ce pays fut lié à la Hollande et gouverné par des mains étrangères, le commerce des grains y fut libre au dehors comme au dedans. Depuis qu’il possède des chambres nationales, où l’intérêt agricole[1] est largement représenté, les restrictions y sont venues les unes à la suite des autres, en s’aggravant toujours, et l’on sait qu’une nouvelle loi votée dans la dernière session aurait déjà rendu ces restrictions encore plus rigoureuses, si, en raison de la gravité des circonstances actuelles et du déficit de la dernière récolte, le gouvernement n’avait jugé nécessaire d’en suspendre les effets.

Notre intention n’est pas de tirer des observations qui précèdent une induction défavorable aux gouvernemens constitutionnels modernes, ni surtout au système représentatif en général. Nous avons voulu seulement constater un fait, fait trop général et trop apparent pour n’avoir pas une signification, et qui nous a paru de nature à faire ressortir l’esprit en même temps qu’à faire préjuger le sort futur de certaines dispositions de nos lois-céréales. C’est à ce point de vue seulement que nous l’envisageons, en laissant d’ailleurs de côté toute considération politique étrangère à notre objet.

Entrons maintenant dans l’examen des systèmes divers dont nous venons de voir l’exposé. La question de la liberté du commerce des grains à l’intérieur est aujourd’hui tranchée en principe et en fait, et la circulaire récente de M. le ministre du commerce nous permet d’espérer que cette liberté sera garantie même contre les violences populaires. Aussi nous abstiendrons-nous d’en parler. Il s’agit donc seulement d’apprécier les effets du commerce extérieur sous le double rapport de l’importation et de l’exportation, ainsi que les conséquences ordinaires des lois qui le restreignent.

C’est une grande erreur de croire qu’un pays d’une certaine étendue,

  1. Le cens électoral est peu élevé en Belgique, mais il n’est pas uniforme ; il varie d’une province à l’autre, et surtout selon les localités, étant d’ailleurs beaucoup moins élevé pour les campagnes que pour les villes, ce qui rend le parti agricole prépondérant. Voici, par exemple, comment il est établi pour la province d’Anvers : pour Anvers, 80 florins ; Malines, 40 fl. ; Turnhout, 35 fl. ; Lierre, 35 fl. les campagnes, 30 fl.