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avec les dames. » Certes, on ne se douterait guère qu’on est en plein XVIIe siècle. Il ne paraît point au reste que la vie cloîtrée plût beaucoup à Fléchier : « Ces beautés voilées, dit-il des nonnes, ont je ne sais quoi de triste et de contraire à mon inclination. » Aussi ses plaintes sont vives sur ce qu’on force les vocations, sur ce qu’on ôte aux enfans par des menaces la liberté de refuser. « Sans les filles, écrit-il à un endroit, qu’on sacrifie tous les jours, les couvens seraient moins peuplés. » Voilà une grave accusation dans la bouche d’un prêtre, d’un futur évêque, qui bientôt allait devenir l’une des gloires de l’église de France ! Cette libre hardiesse de jugement ne fait pas un instant défaut à l’auteur des Mémoires sur les Grands-Jours : rencontre-t-il, par exemple, des religieuses venues aux eaux sous prétexte de santé, il ne manque pas d’insinuer que la vraie cause de leur voyage est s la liberté de se voir à toute heure ; » lui parle-t-on d’une bulle pour exemption de juridiction, il se récrie crûment sur l’effronterie de la cour de Rome. Les bons jésuites aussi attrapent quelques petites égratignures en passant, et Fléchier ne les ménage guère sur les voies dont ils se servent ; on trouve même à propos d’eux cette phrase, dont je ne change pas un seul mot : « Ils chassèrent avec violence ceux qui avaient le soin de l’instruction de notre jeunesse et voulurent instruire nos enfans malgré nous. » C’est une devise toute trouvée, c’est une épigraphe parfaite que je prends la liberté de recommander aux successeurs de Fléchier dans l’épiscopat.

On serait mal venu à s’imaginer que ce libre esprit de contrôle nuisit jamais en rien à la foi du futur évêque de Nîmes. Élevé par une mère croyante, dont la vie n’avait été qu’une longue préparation à bien mourir[1], entretenant sans cesse ces traditions chrétiennes

  1. Œuvres de Fléchier, t. X, p. 17.