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une arène toujours ouverte et toujours féconde. La pêche d’Afrique, si les faits cités par M. Berthelot sont exacts, assurerait des bénéfices incalculables. Ne se trouvera-t-il pas, parmi les grands négocians de nos ports, un de ces hommes qui, émule des anciens commerçans français, essaiera d’enrichir son pays et d’attacher son nom à une expédition lucrative et honorable ? Lorsque chaque jour, des ports d’Angleterre et d’Amérique, partent des aventuriers audacieux qui, soutenus par leur propre courage et leur indomptable énergie, vont explorer les derniers recoins du monde, la France restera-t-elle en arrière, et ses marins voudront-ils laisser inachevée l’œuvre sublime des obscurs navigateurs dieppois ? L’état, du reste, est aussi intéressé que le commerce dans cette importante question. La perte de nos colonies, en privant nos marchands de leurs débouchés les plus avantageux, menace en outre de détruire la pépinière des vrais matelots. Depuis long-temps déjà la marine royale, ce bras gauche de toute puissance militaire, comme l’appelle un illustre amiral, cherche avec anxiété un remède à l’effrayante pénurie des hommes de mer. Après une longue indifférence, le pays tout entier comprend la nécessité d’une flotte digne de son nom et des rêves de grandeur qu’il n’abandonnera jamais. Il est donc du devoir du gouvernement de protéger au moins quelques tentatives, qui, si elles réussissent, feront naître des armemens nombreux, et d’encourager ces expéditions lointaines qui seules enfantent des matelots intrépides.

L’avenir de nos comptoirs sur la côte occidentale d’Afrique soulève, on le voit, de bien hautes questions. Prospérité maritime et commerciale, colonisation future, exploitation des mines du Bondouk, et, ce qui aux yeux de bien des hommes l’emporte heureusement encore sur toute idée de lucre, l’espérance de relever les noirs de l’abjecte position où ces enfans perdu s de la grande famille des peuples sont toujours plongés, tels sont les intérêts engagés sur ce coin de terre presque inconnu. Mais la base première de toute opération, le point de départ des progrès possibles, c’est une loi sage sur la traite des escales. Sans l’organisation complète du commerce des gommes, la colonie ne peut espérer aucun repos. Les traitans, toujours inquiets, se ruineront par la concurrence que les restrictions imposées au compromis ne sauraient arrêter, ou, dans les momens de crise amenés par leur propre faute et souvent par la cupidité des marchands, ils préféreront l’exil et l’indépendance du désert aux malheurs qui les menacent sous le pavillon français. Les Maures de leur côté, profitant de l’incertitude du gouvernement, de la vanité des traitans, des offres cachées des blancs, des conseils des agens anglais, intercepteront la navigation du Sénégal, abandonneront les escales et feront des courses sur la rive gauche, dont les paisibles habitans finiront par s’éloigner, méprisant, eux aussi, cette protection européenne qui, loin de leur assurer le calme, les entraîne fatalement dans toutes ses querelles. Il est donc nécessaire d’étudier avec soin les phases diverses par lesquelles ont passé les relations commerciales du fleuve, si