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mais qui conservent, malgré leurs ogives, tous les caractères du style semi-circulaire, c’est-à-dire, les mêmes moulures, les mêmes chapiteaux, les mêmes ornemens ; d’autre part, il existe des monumens où vainement vous chercheriez l’ogive, même dans les voûtes, mais dont les pleins cintres sont si élancés, si sveltes, bordés de moulures si fines, qu’ils semblent renier leur origine et aspirer à un style nouveau Ces deux sortes de monumens appartiennent en réalité à l’époque de transition, ou du moins ils occupent une sorte de terrain neutre à ses deux frontières opposées. Ce qui complique un peu la question, c’est que, selon les lieux qui les ont vus naître, selon les circonstances au milieu desquelles ils ont été élevés, ces monumens exceptionnels ne se trouvent pas toujours placés chronologiquement au point qui semble leur appartenir, c’est-à-dire, les uns au début, les autres au terme de l’époque de transition proprement dite. Mais ces anomalies, dont le nombre est d’ailleurs limité, et dont il ne serait pas très difficile de se rendre compte en recherchant les causes spéciales qui les ont produites, ne peuvent infirmer en rien la règle générale que nous avons posée. L’emploi simultané de l’ogive et du plein cintre sous les conditions indiquées plus haut, voilà sans contredit le signe le plus apparent, le plus incontestable, le véritable signe caractéristique de l’époque de transition.

Poursuivons donc, et, maintenant que nous avons défini en quoi consistent les monumens de transition, tâchons d’abord de découvrir à quel moment ils commencent à apparaître ; puis, quand nous aurons fixé les premières limites de l’époque qui les a produits, cherchons si, pendant toute la durée de cette époque, ils peuvent être soumis à une classification rigoureuse, si, malgré leur infinie variété, ils sont régis par des lois assez constantes pour qu’il soit possible de déterminer leur âge relatif.

Nous devons l’avouer franchement, de ces deux questions, la seconde ne saurait, dans l’état actuel de la science, recevoir une solution nette et précise. On peut bien dire, d’une manière générale, que ceux de ces monumens où l’ogive apparaît à peine et ne joue qu’un faible rôle sont de tous les plus anciens ; que ceux, au contraire, où la part de l’ogive et celle du plein cintre semblent être à peu près égales, doivent avoir été plus tardivement construits, et qu’enfin les plus récens sont ceux où le plein cintre cède presque partout la place à l’ogive et conserve à peine quelque vestige de son ancienne domination. Sans doute cette classification est indiquée par la nature même des choses, et de nombreux exemples semblent la confirmer ; mais,