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considérations de famille ; il se croyait libre à l’égard de son père pour le fond de ses opinions ; mais il n’était point sans scrupules sur ce vieux nom qu’il portait, exposé, en pareille occasion, aux chances d’un procès criminel. La dernière lettre de son père le décida ; il entra dans le complot, et devint le second de Malseigne pour la prochaine exécution.

Quant à la lettre du comte qui hâtait sa décision, on devine assez que M. de Limoëlan avait pu juger dès long-temps les progrès du changement de son fils.

L’exécution du complot fut remise à l’époque où les élèves de la première promotion, dont faisaient partie Malseigne, Hercule et leurs complices, sortiraient de l’école pour attendre les ordres du ministre et leur nomination dans les divers corps de l’armée. Le plan se réduisait à refaire un 1er  prairial, à soulever les faubourgs, appuyés cette fois de forces militaires. Les officiers gagnés étaient en petit nombre ; mais on comptait à la fois sur leur uniforme et sur les démonstrations populaires pour décider le mouvement des troupes. On devait se saisir des consuls, dissoudre le corps législatif et convoquer une nouvelle convention nationale, avec le plein exercice de la constitution de 93 ; mais ce projet audacieux se ressentait de la jeunesse des conjurés, et les vétérans de la révolution qui s’y étaient mêlés prirent leurs mesures pour se tenir à l’écart en cas de revers. En effet, la police suivait les progrès de l’entreprise et la laissait mûrir à loisir, n’y voyant qu’une occasion profitable pour le gouvernement, et comptant que la punition des plus coupables parmi ces jeunes officiers fournirait un exemple salutaire à l’armée.

Le moment de sortir de l’école arriva, et les élèves se répandirent dans Paris ; mais diverses divisions, dont Hercule connut la cause trop tard, amenèrent des délais : il s’était logé dans la rue Saint-Hyacinthe, fort découragé, fort aigri par des lâchetés et des défections qui se multipliaient au moment du péril. Enfin la conspiration n’était plus qu’à trois jours de son dénouement, quand, un soir, comme Hercule rentrait chez lui après une journée accablante, deux hommes, embusqués dans son escalier, se jetèrent sur lui. D’autres attendaient dehors avec une voiture de place ; on le conduisit à la Conciergerie, tandis que sa chambre était forcée et ses papiers saisis. Après un interrogatoire assez bref à la police, on le mena dans une prison militaire, sans qu’il sût rien de ce qui s’était passé à l’égard de Malseigne, de Simon et de ses autres complices : il ignorait surtout que son ami, son frère d’armes, Malseigne lui-même, circonvenu, séduit par des promesses, eût vendu