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compte de la condition de la majorité des femmes, nous trouvons au moins 40,000 couturières et ouvrières en linge, en comprenant les maîtresses d’atelier, 17,000 blanchisseuses, 15,000 lingères travaillant pour la plupart à leur propre compte ; 6,000 ouvrières en châles ; 5,000 brodeuses, 1,500 fleuristes, etc. Le commerce, avons-nous dit, spécule en général sur les besoins de la foule : on remarqué, au contraire, en parcourant la liste des diverses industries, qu’elles s’adressent pour la plupart aux classes à qui le luxe est permis.

Bien que dans les trois catégories précédentes le plus grand nombre des individus vive d’un salaire, on a groupé, sous le titre spécial de professions salariées, les domestiques et gens à gages qui sont rapprochés de la domesticité par la nature de leurs services. Cette classe inférieure, évaluée en 1831 à 173,000 ames, en doit comprendre au moins 200,000 présentement. Les gens sans état qui vendent leurs bras au jour le jour y figurent environ pour 60,000, tant hommes que femmes. Cette race grossière et âpre au gain, qui, des plus pauvres cantons de la France, s’abat chaque année sur Paris et y monopolise les rudes métiers de commissionnaires, de charbonniers, de porteurs d’eau, de frotteurs, forme une famille à part d’au moins 16,000 individus. La classe des domestiques proprement dits dépasse en nombre 50,000 personnes, dont les trois quarts sont du sexe féminin. On remarque que sur 10 servantes une seule est mariée : cette particularité ne donne-t-elle pas l’explication de bien des désordres ? Les services spéciaux de la domesticité font vivre en outre 20,000 portiers, 11,000 cuisiniers, 10,000 cochers ou garçons d’écurie, 3,000 gardes malades ou d’enfans, etc. Cette énumération est triste ; nous ne la pousserons pas plus loin.

La population militaire, évaluée à 80,000 ames, comprend, outre les soldats de la garnison casernés dans l’enceinte de Paris, les militaires de tous grades, en activité ou en retraite. Les femmes et les enfans figurent dans ce nombre pour un seizième, environ 5,000 ames.

Après avoir ainsi groupé les habitans de Paris par rapport aux métiers qu’ils exercent, on s’étonne, du petit nombre des existences faciles et bien assises, comparé à la multitude des destinées précaires et douloureuses. L’aisance, et, dirons-nous si l’on nous pardonne d’emprunter au langage vulgaire une de ces expressions pittoresques qui donnent un corps à l’idée, le pain cuit pour l’avenir semble assuré, comme par privilège, à un individu sur dix. Ce fait acquiert la puissance d’une démonstration mathématique par le contraste des deux classes placées aux extrémités dans la hiérarchie des conditions, la